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dimanche 1 décembre 2019

Coquelicot et autres mots que j'aime d'Anne Sylvestre

Étonnement, Anne Sylvestre, reconnue depuis les années 60 pur son talent d’auteur-compositeur-interprète dans le milieu de la chanson française, n'avait jamais publié de livre avant 2014.
Ne la connaissant que très peu, je la découvre à travers dans ce nouveau registre, un recueil de ses mots préférés qu'elle nous livre sur un ton léger, badin, parfois mordant.
Avec une approche où tous les sens sont en éveil, elle explore la sonorité, la musicalité, l'étymologie, le sens et surtout le pouvoir d'évocation de ces mots, c'est-à-dire les souvenirs qui émergent, les émotions qui s'y rattachent et l'imaginaire qui se déploie.
Sous la plume de l'auteure, simple et aérienne, les mots deviennent des personnages qui ont une histoire à raconter.
Ainsi, la banalité d'une expression "Mais Bon" recèle plus de richesse qu'il n'y parait. "Le mais"  est une protestation, tandis que le "bon" se résigne et traduit une diversité de sentiments: optimisme, dépit, fatalisme etc.
Par petite touche, elle évoque certaines évolutions comme le passage à l'école d'une écriture à la plume d'encre, au stylo-plume puis au stylo-bille et au feutre. Les mots détournés à l'enfance "tomber d'énue" devenant "tomber d'émue" redonnent le sourire à l'auteure, des années plus tard.
"On s'ennuierait beaucoup si on ne pouvait s'amuser avec les mots, même à leur dépens. Je suis sûre qu'ils aiment ça." nous dit-elle.
C'est une lecture agréable, sans prétention, une promenade dans l'univers d'Anne Sylvestre, qui, mine de rien, permet de découvrir certains mots peu usités.
L'écoute de ses chansons les plus emblématiques, "Les gens qui doutent" ou "une sorcière comme les autres"en autres, me laisse penser que son écriture est plus élaborée et puissante que dans ce livre. C'est une impression qui demande peut-être à être développer en s'attardant davantage sur sa discographie.

mercredi 20 novembre 2019

J'ai perdu mon corps de Jérémie Clapin

Ce récit d'animation relate au premier plan, la rencontre entre deux adolescents, Naoufel qui se débrouille avec ses rêves d'enfant, malmenés par la perte de ses parents et Gabrielle, qui s'occupe de son oncle malade tout en travaillant dans une bibliothèque. En parallèle, on suit le parcours dans Paris d'une main à la recherche de son propriétaire.
J'avoue avoir été déroutée par le début de l'histoire de cette main, douée d'une vie propre, qui erre dans un environnement urbain, loin d'être hospitalier pour elle et des scènes flirtant avec un surréalisme assez flippant. Ensuite, la scène de l'interphone qui amorce la rencontre des deux protagonistes, complétement décalée permet d'entrer dans l'univers du réalisateur, alliant humour et poésie sur fonds de réflexions existentielles. La force des dialogues et les trouvailles scénaristiques entre autres, cette relation qui se noue autour d'un igloo ou la main qui apaise un nourrisson (il faut éviter d'en dévoiler plus) font de ce film d'animation adapté d'un livre "Happy Hand"de Guillaume Laurant, une œuvre originale et personnelle.
Avec à la clef , un message salvateur: les fantômes du passé sont conjurés par la naissance du sentiment amoureux, le passage à la maturité et le désir qui en découle, celui de prendre en main sa vie.
Petit bémol en ce qui me concerne: l'esthétique de l'image mêlant 2D et 3 D avec une gamme de couleurs très tranchée, et les choix de cadrage plutôt intéressants mais appuyés une musique un brin pompeuse desservent l'émotion d'ensemble. La composition musicale de Dan Lévy, membre de The Do, groupe très créatif par ailleurs, ne m'a pas parlé et parfois gêné.
Au final, le fond du sujet, particulièrement bien développé, l'emporte sur la forme qui, indéniablement, déploie des partis-pris singuliers mais me touche moins.

lundi 18 novembre 2019

Un monde plus grand de Fabienne Berthaud

Ce film à la réalisation quasi-documentaire qui prend une dimension plus romanesque à la toute fin, présente le parcours initiatique de Corine en Mongolie vers l'éveil et la maîtrise de ses pouvoirs de chamane.Marquée par la disparition de son compagnon, le point de départ de son voyage est de découvrir les rites de cette peuplade, de les enregistrer dans le but d'enrichir une composition musicale.
Le rythme lent, les dialogues légèrement convenus, le jeu un peu minimaliste de Cécile de France, pendant la première partie du film m'ont laissée sur le rebord de cette histoire, dont le sujet m'avait pourtant interpelé. Cependant, à partir de la scène de transe, saisissante de vérité, scène à partir de laquelle, Corine accède à un monde invisible, échappant à toute forme de rationalité, le film prend plus d'épaisseur et questionne le rapport que chaque culture entretient avec l'usage de facultés dépassant le cadre normatif. Dans les sociétés occidentales, la folie n'est loin et ainsi, le personnage devrait soigner à coup d'antidépresseur et de neuroleptique, une décompensation psychotique engendrée par le deuil. Les proches décontenancés tiennent un peu près le même discours.
Dans les cultures et pratiques mongoles, c'est au contraire un don magique, celui d'entrer en  lien avec les esprits de la nature ou des âmes, qui impose le respect et suppose qu'il soit exploré et développé au cours d'une cérémonie aux codes bien définis. Animée par l'intime conviction que d'autres formes de communication sont possibles notamment avec les esprits des disparus, Corine ira au bout de son cheminement, entre réel et irréel, pour trouver réconfort et apaisement.
Je retiens surtout les scènes de transe où Cécile de France impressionne, laissant son corps échapper à tout contrôle pour accéder à un monde nouveau et aussi le chaleureux accueil qui lui est réservé par des habitants.d'une grande humilité.
Pour le reste, le film n'apporte pas de précisions sur le mode de vie de ces peuplades,qui ne soient pas déjà connues mais a le grand mérite d'évoquer un thème peu courant dans le cinéma actuel, la question étant de se demander, comment se libérer des conventions et s'ouvrir à d'autres pratiques culturelles, tout autant essentielles.pour aborder un monde plus grand.

jeudi 14 novembre 2019

Tibet-Minéral Animal de Vincent Munier et Sylvain Tesson

Le talent indéniable du photographe animalier, Vincent Munier associé à la plume poétique de l'aventurier et écrivain, Sylvain Tesson font de ce livre somptueux, une œuvre indispensable  pour qui s’émerveille encore de la beauté que réserve la nature.
L'ouvrage couvre une période de 2011 à 2018 où Vincent Munier s'est aventuré sur les plateaux du Tibet pour y capter durablement des instants fugaces de vie animale s'exprimant dans un environnement hostile à l'homme. Une patience à l'épreuve du temps pour saisir ces clichés présentés avec une certaine progression dans les tons et les lumières, comme un jour qui se lève et se découvre pleinement.
Ainsi, dans des teintes froides tirant vers le bleu acier, apparaissent les silhouettes en ombre chinoise d'un yack, d'un loup gris, d'un aigle royal et d'autres encore. Puis un décor de brume et de lumière tamisée offre à ces espèces la liberté d'évoluer discrètement et sereinement dans un environnement qui leur est familier.
Le ciel se dégage dans l'immensité de la steppe tibétaine et surgit dans l'objectif de l'appareil, l'inespérée Panthère des neiges dressée sur les hauteurs des falaises.
Des plans resserrés aux cadrages très larges, la patte du photographe est unique et sa palette de couleurs incroyable de nuances et de douceur.
Puis, on distingue un paysage minéral, érodé par le temps mais dompté par ces espèces rares, à l'abri pour le moment du passage humain.
Plus on avance dans la lecture, plus les photographies donnent à explorer un univers éthéré et cotonneux  où l'animal devenu insaisissable s'intègre comme une esquisse dans le tableau vivant de la nature.
"Les bêtes sont les notes sur la partition. Que jouent-elles? Le chant du monde" nous dit Sylvain Tesson. Ses textes magnifiques présentant sa lecture du monde minéral et animal devraient résonner en chacun de ceux qui veulent accorder une place à tous les éléments du vivant sans s'arroger le droit d'en être propriétaire ni conduire à sa sa disparition.
Je ne chercherais pas à paraphraser plus, il suffit juste de s'attarder sur ces fragments de poésie qui donnent des mots et un ressenti à ce voyage tibétain.
Extrait:
"Une question de sémantique?
L'homme déboula sur la terre,
zigouilla les bêtes,
fissionna l'atome,
traficota le gêne,
modifia les organismes,
acidifia les sols,
plastifia les mers,
et barbouilla l'atmosphère.
Tout cela en si peu de temps.
Quel talent!
Et puis, il nomma "nuisibles"
Ceux qui ne participaient pas à l'entreprise."

mardi 12 novembre 2019

Il ne fait jamais noir en ville de Marie-Sabine Roger

Adepte de Marie-Sabine Roger, de son écriture sensible et de son sens du romanesque mettant en relief des personnages souvent atypiques, je viens de découvrir ce recueil de nouvelles à l'occasion d'un atelier d'écriture.
Que dire de ces textes magnifiques? Des mots simples pour présenter avec poésie des situations qui jalonnent le cours de l'existence. La tendresse infinie de l'auteure pour ses personnages y est palpable. Elle n'a pas son pareil pour évoquer sous toutes ses formes, l'amour, la séparation, la solidarité, les liens intergénérationnels ou sociaux en nous emportant dans une direction inattendue.
Par petites touches, on voit aussi se redessiner les contours de la cellule familiale, de la parentalité, du couple et des relations avec les autres dans une société qui change de visage.
Le format court de ce type d'ouvrage ne permet pas d'en dévoiler plus au risque d'en gâcher le plaisir du lecteur.
Je veux juste souligner l'émotion ressentie à la lecture de certaines nouvelles quand des êtres vulnérables ou marginaux se contentant de peu retrouvent l'émerveillement de l'enfance (Ce soir, c'est la fête) ou se voient pousser des ailes à la vue d'un spectacle de rollers (Libres oiseaux), quand l'amour inconditionnel d'un père pour sa fille s'exprime dans un moment suspendu où la séparation se profile (La parenthèse) ou bien quand un fils éloigné de sa mère vieillissante par sa vie professionnelle choisit de la rapprocher de lui (Il ne fait pas noir en ville).
Pour terminer, un petit extrait qui caractérise la musicalité de cette écriture en présentant le tempérament d'une petite fille:
"Elle passe du rire aux larmes, elle est toute d'intempéries, de coups de vents et d'accalmies"






dimanche 20 octobre 2019

Festival court-métrange 2019

Comme chaque année, je cours visionner quelques séances de Court-Métrange, festival Rennais de cinéma autour de l'étrange et du fantastique qui devient un rendez-vous incontournable pour les cinéphiles, curieux de découvrir des univers aussi originaux que déroutants parfois.
Après une présentation quelque peu décalée et joyeuse des organisateurs, avec notamment un ghostbutter à la recherche d'ectoplasmes dans les rangs des spectateurs, la projection démarre.
"L'heure de l'ours" sous la forme d'une animation très graphique, fonds noirs et traits esquissés tels des coups de crayons, met en avant des enfants qui se rebellent contre leurs parents en se dressant sur des hordes d'ours sauvages. La réalisation insuffle beaucoup de mouvements et de rythme à ses personnages, cadencés par un vrai travail sur la musique et les sons ( la course des ours, la danse de la tribu enfants) et insiste sur certains contrastes de couleurs (chevelures flamboyantes, maisons en feu...). Peut-être aussi un message écolo, des enfants qui s'allient à la nature sauvage....
Dans "Here there be monster", une adolescente victime de harcèlement dans un bus scolaire, s'y trouve piégée et doit affronter un monstre qui l'amènera à se venger de son bourreau. Sujet intéressant, bien filmé et bien joué.
"The Dreamer" met en scène une fille et sa mère en proie à des cauchemars. Je trouve plusieurs lectures à ce court-métrage: l'évocation des peurs enfantines, une transmission par la mère à sa fille des angoisses inscrites dans sa mémoire cellulaire ou bien un renvoi à un accouchement difficile voire une grossesse non désirée. Le climat qui s'installe est troublant et énigmatique, laissant la place au doute entre rêves et réalités.
Dans "Bailalora", suite à ce qu'on peut imaginer comme une explosion atomatique, des soldats armés et protégés par des masques pénètrent dans un bâtiment où sont cachés des enfants survivants. L'une d'elle pour protéger les siens détourne l'attention des militaires captivés par la danse hypnotique, proche de la transe qu'elle leur livre. Bien sûr, le noir et blanc est très adapté à la situation de fin du monde mais pour le reste, j'ai été assez déconcertée par la mise en scène et surtout la musique saccadée trop marquée à mon goût qui ne s'accorde pas avec la gravité du sujet. En tout cas, l'idée est-elle de suggérer que l'art peut dénouer le sort d'êtres vivants ou survivants et lutter contre des esprits guerriers? C'est mon interprétation.
Au final, laissez-vous tenter ce cinéma qui, sur un format court, démontre sa force et sa singularité en explorant certains thèmes d'aujourd'hui et de demain et donne à de jeunes réalisateurs foisonnants d'idées, l'opportunité de développer leurs talents.

vendredi 11 octobre 2019

Le palais de glace de Tarjei Vesaas

4/5
La lecture de cet ouvrage m'a été conseillée par mon libraire préféré. Que dire? Ce palais de glace m'a emportée dans la féerie et le mystère des contrées nordiques.
Une histoire intrigante et étrange d'une amitié absolue qui se tisse entre deux fillettes de onze ans, Unn et Siss, en une nuit où leur destin se dessine autour d'un pacte scellé entre elles à demi-mot.
Unn disparait le lendemain sur le chemin du palais des glaces apparu à l'automne. Et Siss, persuadée que d'elle, dépend sa survie, participe ardemment aux recherches avec les adultes.Unn occupe ses pensées chaque jour jusqu'à l'obsession, jusqu'à la peur de l'oubli.
Je pense qu'il ne faut pas en dire plus sur l'histoire mais s'attarder sur la poésie des mots qui frappe le lecteur à chaque page et notamment la description magique de ce palais des glaces, personnage central du roman, aussi attirant qu'inquiétant.
C'est un livre très sensoriel où l'on entend gronder la cascade tel le murmure d'un fauve, vibrer l'édifice de glace dur comme du verre et fragile comme un château de sable et où l'on se représente visuellement ce tableau vivant et éphémère, dressé au milieu de la nature,
Le dénouement est peut-être en deçà de ce que j’espérais, mais l'écriture simple et stylisée à la fois de ce roman et le climat onirique qui en découle, procurent  un tel enchantement de lecture, à la limite de l'envoutement, que cela en devient presque anecdotique.
Ne passez pas à côté de cet auteur norvégien, Tarjei Vesaas qui mérite que son œuvre soit découverte et partagée par le plus grand nombre.


dimanche 6 octobre 2019

Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma


Synopsis:1770. Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde.

Mon avis: 4/5

Le vif intérêt que je porte à la peinture me destinait forcément à voir ce film qui place en son cœur une femme peintre du XVIIIe et son modèle.
Ce film à l'esthétique recherchée par un travail sur les lumières en extérieur (paysages sauvages, mer houleuse et falaises abruptes) et en intérieur (éclairage à la bougie tel un tableau de Georges De Latour ) se distingue par de jolies trouvailles de mise en scène et le jeu tout en finesse de l'ensemble de ses actrices (Adèle Haenal et Noémie Merlant en tête).
Certes, le rythme est lent mais monte en puissance.
Beaucoup de retenue au début: des regards lancés à la dérobée par le peintre à son modèle pour en saisir les formes, les mouvements, les gestes et l'expression dans les moindres détails, des échanges cousus de dentelle entre elles marqués par des silences. La naissance du désir et puis le lâcher-prise des 2 protagonistes.
Un film que je qualifierais de très sensoriel: pas de musique au départ mais le bruit des vagues et du vent sur la plage, des pas résonnants dans l'escalier, l'accent sur les voix des interprètes, une scène de chant qui vient à point nommé comme un moment de grâce, un cadrage très serré sur les visages lors d'un jeu de cartes virevoltant, une scène finale avec les 4 saisons de Vivaldi, pleine d'émotions.
Un film de femme sur les femmes qui souligne leur extrême modernité pour l'époque, elles qui détournent les codes sociaux et bravent les interdits pour exercer un brin de leur liberté d'esprit et de corps.
Le cinéma de Céline Sciamma s'est inspiré, sans doute, de Jane Campion et n'est pas sans rappeler La leçon de piano, l'un de mes films préférés.
J'ai été étonnée de voir peu de spectateurs dans la salle et c'est bien dommage qu'une œuvre aussi belle et touchante que "Portrait de la jeune fille en feu" n'attire pas plus car, à mon humble avis, célébrer la beauté et la liberté fait toujours du bien à l'âme, surtout à l'heure actuelle.

Une nuit de Trinh Xuan Thuan

  Voici la critique d'un livre que j'ai lu en 2020 et que je publie maintenant car c'est un très bel ouvrage. La nuit recèle bie...