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dimanche 26 janvier 2020

Swallow de Carlo Mirabella-Davis

Swallow, récompensé par le grand prix spécial du Jury au festival du cinéma américain de Deauville 2019 et présenté également au festival Sundance, est un film qui déploie sa puissance, toute en nuances, jusqu'à délivrer un secret familial qui bride, le corps et l'esprit, du personnage féminin, Hunter, jouée  par Haley Bennett, exceptionnelle par l'innocence et l'intériorité qu'elle dégage en opposition au trouble destructeur qui la ronge.
Swallow, littéralement "avaler"en anglais, décrit un trouble alimentaire méconnu, qui consiste à ingérer des matières non comestibles (terre, métal, plastique...) de façon irrépressible.
Dès les premières images, le décor est planté, un appartement aseptisé, où chaque objet est à sa place et où le désordre psychique de Hunter va pouvoir se développer et, un contexte plus global, où la société actuelle incite les gens à consumer des biens et des objets, comme étalon de leur valeur intrinsèque, les détournant de l'essentiel par le jeu des apparences (le mari interprété par Austin Stowell en est un exemple parfait).
Les scènes répétitives, montrant Hunter, sur la grande terrasse, le regard perdu vers l'horizon, témoigne de la manifestation du confinement auquel elle cherche à échapper. On comprend au fur et à mesure, que son désir n'a pas droit de cité dans cet environnement familial, il est juste celui que projette sur elle, son mari et sa belle-famille .
Face à l'ennui, face à la solitude, les premiers symptômes de cette maladie nommée Pica se déclenchent, et s'amplifient à l'annonce de sa grossesse. La mise en scène, dans un climat inquiétant, nous porte dans différentes directions, distille des indices, jusqu'à ce qu'à la verbalisation du drame subi.
Pour éviter d'en dévoiler les ressorts et gâcher l'intérêt du spectateur, il me semble essentiel, de dire que ce film nous parle du corps dans son ensemble, cette forme d'auto-mutilation que s'inflige le personnage, renvoie à la blessure de l'enfant qu'elle porte en elle et en même temps, au contrôle qu'elle cherche à exercer dessus, car plus ce trouble s'accentue, plus ses proches emplis de bonnes intentions, mais incapables d'en saisir le sens, cherchent à la déresponsabiliser.
Le droit de disposer de son corps, de s'écarter des choix que certaines circonstances imposent et d'aller vers une forme de libération sont au cœur du sujet et le réalisateur nous invite à réfléchir sur un sujet encore plus sensible , qui prête à débat: est-ce que l'auteur d'un crime peut réparer le désastre qu'il a semé, après avoir payer sa dette à la société?
Hunter, qui signifie "Chasseur" en anglais, ce prénom choisi par sa mère, dit tout de ce qu'elle porte symboliquement comme culpabilité, culpabilité qui n'est pas la sienne, le prédateur étant ailleurs.
Et c'est ce cheminement de Hunter, cette quête de sens vers des réponses, que l'on suit  tout au long de ce premier film passionnant à tous égards.
Il y aurait tant à dire sur le thème exploré...Dommage aussi que la salle de projection ne soit pas plus remplie pour un cinéma si riche et original et en lien avec des sujets fortement médiatisés.

dimanche 22 décembre 2019

La différence invisible de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline

La différence invisible, scénarisée par Julie Dachez, adaptée et mise en forme par Mademoiselle Caroline, sous de forme de Bande-Dessinée, est un témoignage rare et essentiel sur l'autisme au féminin.
Marguerite, 27 ans, vit en couple avec ses deux chats et son chien, travaille dans une entreprise et semble suivre son chemin sous une apparente normalité. Sauf que se fondre dans un moule lui coûte en énergie, ici joliment symbolisée par une réserve en petites cuillères, dans laquelle elle puise jour après jour, loin, très loin de son identité profonde.
Chemin faisant, elle va découvrir et donner un nom à cette différence invisible pour beaucoup au premier abord, l'accepter et l'étudier pour en comprendre les manifestations.
En préambule, Julie Dachez invite chacun à afficher sa singularité et même à aider les autres à sortir des carcans normatifs qui régissent la société jusqu'à les rendre malades.
Au fil des pages, l'illustration est très éloquente: des couleurs monochromes pour se fondre  dans la masse, un rouge vif quand les efforts sont tels pour supporter le bruit ou tenir un semblant de conversation, que Marguerite en ressort épuisée avec un besoin vital de s'isoler.
Puis quand le diagnostic se précise, que Marguerite avance dans ses recherches et rencontre des personnes touchées par le syndrome Asperger du TSA (Trouble du Spectre Autistique), sa vie reprend des couleurs car elle parvient à identifier, ce qui fait sa particularité et à la partager avec d'autres.
A la fin de l'ouvrage, l'auteure déroule en quelques pages très instructives, l'histoire de l'autisme tellement difficile à cerner tant pour les professionnels que pour les proches, que beaucoup d'amagalmes ont lieu et nombre d'idées reçues circulent à son sujet.
Avec la performance de Dustin Hoffman dans Rainman, l'image d'un autisme de haut niveau a été popularisée aprés du grand public. Mais dans la réalité, il existe autant de formes d'autisme (avec ou sans déficience intellectuelle) qu'il existe de personnes qualifiées d'autistes.
Et le mérite de Julie Dachez est de souligner que l'autisme féminin (20% des personnes diagnostiquées)  a ses spécificités: la gestion de l'hypersensibilité et la faculté à décoder les codes sociaux pour y coller en apparence au prix de grands efforts  ainsi que des ilôts de compétences , c'est à-dire les intérêts spécifiques qui sont plus communément acceptés (passion pour les animaux, les arbres....); chez les garçons, développer une appétence démesurée pour l'étude des cartes routières par exemple, va plus questionner.
 Il n'en demeure pas moins que le TSA est un trouble de la communication et de la relation à l'autre, dont le mode de fonctionnement différe d'un individu à l'autre et que, comme le développe Julie Dachez, dans "la différence invisible" il est difficile à diagnostiquer, surtout en France, où les moyens en personnels compétents sur la question ne sont pas à la hauteur des besoins laissant souvent dans le désarroi familles et enfants. Ainsi, les Centres Ressources Autisme sont peu nombreux encore et les files d'attente pour les rendez-vous s'étendent sur plusieurs années. Heureusement, le milieu associatif est là pour assurer un relais plus qu'honorable mais c'est l'arbre qui cache la forêt et il devient urgent qu'une politique d'accompagnement digne de ce nom soit initiée par l'Etat.
Plus qu'une bande-dessinée, c'est un message porteur sur l'acceptation de la différence par soi et par les autres "dans une société malade la normalité"; "votre différence ne fait pas partie du problème mais de la solution" nous dit Julie Dachez.
A méditer.

Voici une petite vidéo pour vous éclairer.
La théorie des petites cuillères de Julie Dachez


A voir aussi un très joli film français sorti en 2015 : Le goût des merveilles de Eric Besnard



jeudi 5 décembre 2019

Les éblouis de Sarah Suco

Inspiré de l'enfance de la réalisatrice, Sarah Suco, Les Eblouis, dénonce le phénomène d'emprise d'une communauté religieuse dirigée par un berger (Jean-Pierre Darroussin), qui, sous couvert d'une bienveillance affichée, en arrive à retirer toute part de lucidité à ses membres, tout raisonnement sensé, à les déposséder psychiquement et matériellement, à introduire dans leur esprit des souvenirs fabriqués de toute pièce, avec l'objectif sous-jacent de les couper de tout lien avec l'extérieur.
Le processus de manipulation est démonté avec clarté mais quelques maladresses de mise en scène, affaiblissent la puissance que ce film aurait pu déployer autour d'un tel sujet, la rapidité avec laquelle, ce couple et ses enfants est embrigadée dans ce mouvement sectaire, certaines scènes de prières, tendant à forcer le trait, les acteurs, pour certains n'étant pas forcément crédibles...
Mais parallèlement le jeu des enfants est très poignant et d'une grande force, et surtout de l'aînée, Camille, interprétée par Céleste Brunquell est épatante de justesse, alliant tous les registres de l'incompréhension, à la soumission, jusqu'à la révolte.
A noter aussi la qualité des seconds rôles, les beaux-parents (Laurence Roy et Daniel Martin) et le petit ami de Camille, qui voient l'instrumentalisation de leurs proches s’opérer  et montrent la difficulté vu de l'extérieur d'enrayer l'engrenage.
Les Éblouis, le premier long métrage de Sarah Suco, actrice par ailleurs, a le mérite de traiter un sujet peu courant dans le cinéma en alertant sur les mécanismes à l’œuvre dans les dérives sectaires pour exploiter la fragilité de certains.

dimanche 1 décembre 2019

Sinon, j'oublie de Clémentine Mélois

L'idée ingénieuse de Clémentine Mélois, soit collectionner des listes de courses trouvés dans la rue, 99 au total, donne matière à la création de petites histoires, drôles, légères ou un brin caustiques.Cet acte, somme toute banal, est moins insignifiant qu'il n'y paraît. La forme de l'écriture, les ratures, les mots doux, le papier utilisé et donc une foule de détails révèlent ou du moins laissent imaginer une part de nos habitudes, et en poussant plus loin ce qui pourrait nous représenter intimement.
Déployant un imaginaire fertile sur les envies, les rêves, les comportements de ses personnages, l'auteure s'éloigne un peu trop, à mon sens, de ces listes, en inventant des histoires qui n'ont pas forcément de liens explicites. Elle n'évite pas aussi certaines généralités, comme si le leitmotiv invoqué était de parler au plus grand nombre.
Évidemment, son sens de la formule fait mouche et certains portraits sont savoureux: "Rudy" et sa logorrhée mentale," Sofian " et sa conduite d'urgence, "Sandy" et sa peur d'être mordue par un alligator, "Alicia" et les petites manies des stars, "Jean-Pierre" et les sigles abscons de l'administration etc.
Un style simple, voire familier, dans l'air du temps, permet au lecteur de se laisser porté sans trop d'efforts.
Au final, une curiosité à découvrir et une originalité à encourager.


Coquelicot et autres mots que j'aime d'Anne Sylvestre

Étonnement, Anne Sylvestre, reconnue depuis les années 60 pur son talent d’auteur-compositeur-interprète dans le milieu de la chanson française, n'avait jamais publié de livre avant 2014.
Ne la connaissant que très peu, je la découvre à travers dans ce nouveau registre, un recueil de ses mots préférés qu'elle nous livre sur un ton léger, badin, parfois mordant.
Avec une approche où tous les sens sont en éveil, elle explore la sonorité, la musicalité, l'étymologie, le sens et surtout le pouvoir d'évocation de ces mots, c'est-à-dire les souvenirs qui émergent, les émotions qui s'y rattachent et l'imaginaire qui se déploie.
Sous la plume de l'auteure, simple et aérienne, les mots deviennent des personnages qui ont une histoire à raconter.
Ainsi, la banalité d'une expression "Mais Bon" recèle plus de richesse qu'il n'y parait. "Le mais"  est une protestation, tandis que le "bon" se résigne et traduit une diversité de sentiments: optimisme, dépit, fatalisme etc.
Par petite touche, elle évoque certaines évolutions comme le passage à l'école d'une écriture à la plume d'encre, au stylo-plume puis au stylo-bille et au feutre. Les mots détournés à l'enfance "tomber d'énue" devenant "tomber d'émue" redonnent le sourire à l'auteure, des années plus tard.
"On s'ennuierait beaucoup si on ne pouvait s'amuser avec les mots, même à leur dépens. Je suis sûre qu'ils aiment ça." nous dit-elle.
C'est une lecture agréable, sans prétention, une promenade dans l'univers d'Anne Sylvestre, qui, mine de rien, permet de découvrir certains mots peu usités.
L'écoute de ses chansons les plus emblématiques, "Les gens qui doutent" ou "une sorcière comme les autres"en autres, me laisse penser que son écriture est plus élaborée et puissante que dans ce livre. C'est une impression qui demande peut-être à être développer en s'attardant davantage sur sa discographie.

mercredi 20 novembre 2019

J'ai perdu mon corps de Jérémie Clapin

Ce récit d'animation relate au premier plan, la rencontre entre deux adolescents, Naoufel qui se débrouille avec ses rêves d'enfant, malmenés par la perte de ses parents et Gabrielle, qui s'occupe de son oncle malade tout en travaillant dans une bibliothèque. En parallèle, on suit le parcours dans Paris d'une main à la recherche de son propriétaire.
J'avoue avoir été déroutée par le début de l'histoire de cette main, douée d'une vie propre, qui erre dans un environnement urbain, loin d'être hospitalier pour elle et des scènes flirtant avec un surréalisme assez flippant. Ensuite, la scène de l'interphone qui amorce la rencontre des deux protagonistes, complétement décalée permet d'entrer dans l'univers du réalisateur, alliant humour et poésie sur fonds de réflexions existentielles. La force des dialogues et les trouvailles scénaristiques entre autres, cette relation qui se noue autour d'un igloo ou la main qui apaise un nourrisson (il faut éviter d'en dévoiler plus) font de ce film d'animation adapté d'un livre "Happy Hand"de Guillaume Laurant, une œuvre originale et personnelle.
Avec à la clef , un message salvateur: les fantômes du passé sont conjurés par la naissance du sentiment amoureux, le passage à la maturité et le désir qui en découle, celui de prendre en main sa vie.
Petit bémol en ce qui me concerne: l'esthétique de l'image mêlant 2D et 3 D avec une gamme de couleurs très tranchée, et les choix de cadrage plutôt intéressants mais appuyés une musique un brin pompeuse desservent l'émotion d'ensemble. La composition musicale de Dan Lévy, membre de The Do, groupe très créatif par ailleurs, ne m'a pas parlé et parfois gêné.
Au final, le fond du sujet, particulièrement bien développé, l'emporte sur la forme qui, indéniablement, déploie des partis-pris singuliers mais me touche moins.

lundi 18 novembre 2019

Un monde plus grand de Fabienne Berthaud

Ce film à la réalisation quasi-documentaire qui prend une dimension plus romanesque à la toute fin, présente le parcours initiatique de Corine en Mongolie vers l'éveil et la maîtrise de ses pouvoirs de chamane.Marquée par la disparition de son compagnon, le point de départ de son voyage est de découvrir les rites de cette peuplade, de les enregistrer dans le but d'enrichir une composition musicale.
Le rythme lent, les dialogues légèrement convenus, le jeu un peu minimaliste de Cécile de France, pendant la première partie du film m'ont laissée sur le rebord de cette histoire, dont le sujet m'avait pourtant interpelé. Cependant, à partir de la scène de transe, saisissante de vérité, scène à partir de laquelle, Corine accède à un monde invisible, échappant à toute forme de rationalité, le film prend plus d'épaisseur et questionne le rapport que chaque culture entretient avec l'usage de facultés dépassant le cadre normatif. Dans les sociétés occidentales, la folie n'est loin et ainsi, le personnage devrait soigner à coup d'antidépresseur et de neuroleptique, une décompensation psychotique engendrée par le deuil. Les proches décontenancés tiennent un peu près le même discours.
Dans les cultures et pratiques mongoles, c'est au contraire un don magique, celui d'entrer en  lien avec les esprits de la nature ou des âmes, qui impose le respect et suppose qu'il soit exploré et développé au cours d'une cérémonie aux codes bien définis. Animée par l'intime conviction que d'autres formes de communication sont possibles notamment avec les esprits des disparus, Corine ira au bout de son cheminement, entre réel et irréel, pour trouver réconfort et apaisement.
Je retiens surtout les scènes de transe où Cécile de France impressionne, laissant son corps échapper à tout contrôle pour accéder à un monde nouveau et aussi le chaleureux accueil qui lui est réservé par des habitants.d'une grande humilité.
Pour le reste, le film n'apporte pas de précisions sur le mode de vie de ces peuplades,qui ne soient pas déjà connues mais a le grand mérite d'évoquer un thème peu courant dans le cinéma actuel, la question étant de se demander, comment se libérer des conventions et s'ouvrir à d'autres pratiques culturelles, tout autant essentielles.pour aborder un monde plus grand.

jeudi 14 novembre 2019

Tibet-Minéral Animal de Vincent Munier et Sylvain Tesson

Le talent indéniable du photographe animalier, Vincent Munier associé à la plume poétique de l'aventurier et écrivain, Sylvain Tesson font de ce livre somptueux, une œuvre indispensable  pour qui s’émerveille encore de la beauté que réserve la nature.
L'ouvrage couvre une période de 2011 à 2018 où Vincent Munier s'est aventuré sur les plateaux du Tibet pour y capter durablement des instants fugaces de vie animale s'exprimant dans un environnement hostile à l'homme. Une patience à l'épreuve du temps pour saisir ces clichés présentés avec une certaine progression dans les tons et les lumières, comme un jour qui se lève et se découvre pleinement.
Ainsi, dans des teintes froides tirant vers le bleu acier, apparaissent les silhouettes en ombre chinoise d'un yack, d'un loup gris, d'un aigle royal et d'autres encore. Puis un décor de brume et de lumière tamisée offre à ces espèces la liberté d'évoluer discrètement et sereinement dans un environnement qui leur est familier.
Le ciel se dégage dans l'immensité de la steppe tibétaine et surgit dans l'objectif de l'appareil, l'inespérée Panthère des neiges dressée sur les hauteurs des falaises.
Des plans resserrés aux cadrages très larges, la patte du photographe est unique et sa palette de couleurs incroyable de nuances et de douceur.
Puis, on distingue un paysage minéral, érodé par le temps mais dompté par ces espèces rares, à l'abri pour le moment du passage humain.
Plus on avance dans la lecture, plus les photographies donnent à explorer un univers éthéré et cotonneux  où l'animal devenu insaisissable s'intègre comme une esquisse dans le tableau vivant de la nature.
"Les bêtes sont les notes sur la partition. Que jouent-elles? Le chant du monde" nous dit Sylvain Tesson. Ses textes magnifiques présentant sa lecture du monde minéral et animal devraient résonner en chacun de ceux qui veulent accorder une place à tous les éléments du vivant sans s'arroger le droit d'en être propriétaire ni conduire à sa sa disparition.
Je ne chercherais pas à paraphraser plus, il suffit juste de s'attarder sur ces fragments de poésie qui donnent des mots et un ressenti à ce voyage tibétain.
Extrait:
"Une question de sémantique?
L'homme déboula sur la terre,
zigouilla les bêtes,
fissionna l'atome,
traficota le gêne,
modifia les organismes,
acidifia les sols,
plastifia les mers,
et barbouilla l'atmosphère.
Tout cela en si peu de temps.
Quel talent!
Et puis, il nomma "nuisibles"
Ceux qui ne participaient pas à l'entreprise."

mardi 12 novembre 2019

Il ne fait jamais noir en ville de Marie-Sabine Roger

Adepte de Marie-Sabine Roger, de son écriture sensible et de son sens du romanesque mettant en relief des personnages souvent atypiques, je viens de découvrir ce recueil de nouvelles à l'occasion d'un atelier d'écriture.
Que dire de ces textes magnifiques? Des mots simples pour présenter avec poésie des situations qui jalonnent le cours de l'existence. La tendresse infinie de l'auteure pour ses personnages y est palpable. Elle n'a pas son pareil pour évoquer sous toutes ses formes, l'amour, la séparation, la solidarité, les liens intergénérationnels ou sociaux en nous emportant dans une direction inattendue.
Par petites touches, on voit aussi se redessiner les contours de la cellule familiale, de la parentalité, du couple et des relations avec les autres dans une société qui change de visage.
Le format court de ce type d'ouvrage ne permet pas d'en dévoiler plus au risque d'en gâcher le plaisir du lecteur.
Je veux juste souligner l'émotion ressentie à la lecture de certaines nouvelles quand des êtres vulnérables ou marginaux se contentant de peu retrouvent l'émerveillement de l'enfance (Ce soir, c'est la fête) ou se voient pousser des ailes à la vue d'un spectacle de rollers (Libres oiseaux), quand l'amour inconditionnel d'un père pour sa fille s'exprime dans un moment suspendu où la séparation se profile (La parenthèse) ou bien quand un fils éloigné de sa mère vieillissante par sa vie professionnelle choisit de la rapprocher de lui (Il ne fait pas noir en ville).
Pour terminer, un petit extrait qui caractérise la musicalité de cette écriture en présentant le tempérament d'une petite fille:
"Elle passe du rire aux larmes, elle est toute d'intempéries, de coups de vents et d'accalmies"






dimanche 20 octobre 2019

Festival court-métrange 2019

Comme chaque année, je cours visionner quelques séances de Court-Métrange, festival Rennais de cinéma autour de l'étrange et du fantastique qui devient un rendez-vous incontournable pour les cinéphiles, curieux de découvrir des univers aussi originaux que déroutants parfois.
Après une présentation quelque peu décalée et joyeuse des organisateurs, avec notamment un ghostbutter à la recherche d'ectoplasmes dans les rangs des spectateurs, la projection démarre.
"L'heure de l'ours" sous la forme d'une animation très graphique, fonds noirs et traits esquissés tels des coups de crayons, met en avant des enfants qui se rebellent contre leurs parents en se dressant sur des hordes d'ours sauvages. La réalisation insuffle beaucoup de mouvements et de rythme à ses personnages, cadencés par un vrai travail sur la musique et les sons ( la course des ours, la danse de la tribu enfants) et insiste sur certains contrastes de couleurs (chevelures flamboyantes, maisons en feu...). Peut-être aussi un message écolo, des enfants qui s'allient à la nature sauvage....
Dans "Here there be monster", une adolescente victime de harcèlement dans un bus scolaire, s'y trouve piégée et doit affronter un monstre qui l'amènera à se venger de son bourreau. Sujet intéressant, bien filmé et bien joué.
"The Dreamer" met en scène une fille et sa mère en proie à des cauchemars. Je trouve plusieurs lectures à ce court-métrage: l'évocation des peurs enfantines, une transmission par la mère à sa fille des angoisses inscrites dans sa mémoire cellulaire ou bien un renvoi à un accouchement difficile voire une grossesse non désirée. Le climat qui s'installe est troublant et énigmatique, laissant la place au doute entre rêves et réalités.
Dans "Bailalora", suite à ce qu'on peut imaginer comme une explosion atomatique, des soldats armés et protégés par des masques pénètrent dans un bâtiment où sont cachés des enfants survivants. L'une d'elle pour protéger les siens détourne l'attention des militaires captivés par la danse hypnotique, proche de la transe qu'elle leur livre. Bien sûr, le noir et blanc est très adapté à la situation de fin du monde mais pour le reste, j'ai été assez déconcertée par la mise en scène et surtout la musique saccadée trop marquée à mon goût qui ne s'accorde pas avec la gravité du sujet. En tout cas, l'idée est-elle de suggérer que l'art peut dénouer le sort d'êtres vivants ou survivants et lutter contre des esprits guerriers? C'est mon interprétation.
Au final, laissez-vous tenter ce cinéma qui, sur un format court, démontre sa force et sa singularité en explorant certains thèmes d'aujourd'hui et de demain et donne à de jeunes réalisateurs foisonnants d'idées, l'opportunité de développer leurs talents.

Une nuit de Trinh Xuan Thuan

  Voici la critique d'un livre que j'ai lu en 2020 et que je publie maintenant car c'est un très bel ouvrage. La nuit recèle bie...