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mercredi 29 septembre 2021

La théorie des nuages de Stéphane Audeguy


Conseillée par un libraire de La Rochelle, cette lecture m' a d'abord emportée dans les nimbes de ces nuages qui fascinent les différents personnages puis déconcertée dans la 3ème partie avec l'étude du protocole Abercrombie. 

La qualité narrative de l'auteur permet au lecteur d'être immédiatement embarqué dans l'histoire que relate Akira Kumo, à Virginie Latour qu'il vient d'engager pour répertorier sa collection de livres.

Au fur à mesure de leurs rencontres, Akira Kumo lui raconte les prémices de cette science des nuages qui émerge au 19ème siècle grâce des personnages clefs tels que Luke Howard, auteur de la typologie des nuages, Cirrhus, Cumulus et autres stratus, Carmichaël, peintre de son état, qui en fera l'élément principal de ses toiles en effaçant toute présence humaine, puis William S Williamson, météorologue avant l'heure et Abercrombie  (personnage inventé par l'auteur) pour qui l'étude du ciel prendra une tournure étrange.

Ces nuages, loin de manifester des signes de colère émanant des divinités antiques, deviennent des formes évanescentes pour les poètes et des objets d'étude aux propriétés physiques pour les spécialistes.

Il est aussi question de nuages qui surgissent sous forme d'un cataclysme naturel (Le nuage volcanique de Krakatoa) ou provoqué par l'homme (la bombe atomique).

L'histoire de ce couturier Japonais, né à Hiroshima, se dévoile ainsi en même temps que celle des chasseurs de nuages, une mémoire qui se déroule comme un fil ténu, avec ses traumas  et avec Virginie Latour  comme dépositaire de ce témoignage.

Si l'écriture me paraît très délicate et sensible, je trouve que les personnages féminins ne sont pas traités de la même manière, le personnage de la Fille d'Abercromie est même qualifiée d'"inculte et alcoolique"et l'auteur évoque "sa précocité dans tous les vices" alors qu'aucun jugement n'est porté sur les hommes et notamment Richard Abercromie et son rapport aux prostituées, sa fascination pour certaines parties du corps de femmes exotiques et un vocabulaire emprunt d’ethnocentrisme qui va certainement avec l'époque (XIX, début 1900).

C'est dommage, car la thématique de départ autour des nuages était vraiment originale et avait tout pour faire un très grand roman. Là, l'auteur m'a un peu perdu en chemin. On ne peut pas dissocier la forme du fonds et même si cette lecture est d'un abord extrêmement plaisant, d'une certaine érudition, et que le personnage de Akira Kumo, semble vraiment incarné avec force tout comme les précurseurs de la météorologie, le personnage d'Abercromie, m' a quelque peu déroutée et moins intéressée.

Cela ne m'empêche pas de souligner que Stéphane Audeguy a de véritable talent de conteur, et que je vous conseille la lecture de cet ouvrage car il y de très beaux passages qui vous portent comme le souffle d'un paysage ou le passage d'un nuage.


"Certains nuages en effet semblent surplomber tous les autres, et s'étirent comme des griffures de chat ou des crinières, en longues fibres parallèles ou divergentes, presque diaphanes ; Howard les nomme des filaments : ce seront , en latin, les cirrus..."

 "Le temps est venu pour le volcan de s'effacer du ciel. Alors, comme s'il se souvenait, au moment de mourir, de son glorieux passé terrestre, le défunt Krakatoa se disperse à une vitesse croissante dans toutes les couches de l'atmosphère, provoquant des diffractions inédites de la lumière du soleil, inventant des aurores flamboyantes, des magnifiques couchers de soleil, qui semblent un océan de métal liquide, piqué de vert émeraude et de nuances d'ocre subtiles, des couchers de soleil comme de mémoire d'homme on n'en a jamais vu."

 "Il s'est mis à penser que toutes les formes naturelles obéissent à des lois récurrentes. Il croit que le créateur du monde l'a voulu ainsi, et la jeune science des formes célébrera l'oeuvre divine. Johann Wolfgang Goethe sait que bientôt l'eau de son propre corps voyagera, pour partie dans le sol, pour partie dans les airs, et cela le console de la mort. Il aime à penser que sa dépouille va nourrir des plantes, ou de petits insectes mal connus. Même il pense parfois, mais sans le dire à personne, que le cerveau des hommes a la forme des nuages, et qu'ainsi les nuages sont comme le siège de la pensée du ciel ; ou alors, que le cerveau est ce nuage dans l'homme qui le rattache au ciel. Parfois même Goethe rêve que la pensée elle-même se développe non pas, comme disent certains, à la façon d'un édifice de pierres, mais bien plutôt comme ces arborescences nuageuses qu'il admire tant, dans les cieux toujours renouvelés, au-dessus de Weimar."



 

 

 


 

 


 

 


jeudi 17 juin 2021

Canoes de Maelys de Kerangal


 Je découvre ce recueil de nouvelles Canoës écrit par Maëlys de Kerangal qui donnent à entendre des voix originales tant sur le fond que sur la forme. Ces voix ce sont celles que l'on peut transformer à dessein pour se faire une place dans un milieu, celles que l'on module pour épouser les contours d'une langue, celles de disparus, que l'on veut garder intactes, celles à l'état brut qui se déploient comme le cri d'un animal, celles granuleuses qui révèlent une faille. 

L'écriture de Maëlys de Kerangal est d'une grande densité, celle-ci polit son matériau brut en laissant apparaître des aspérités, ce qui lui donne une grande force d'évocation.

J'en retire une lecture passionnante (les deux dernières nouvelles étant peut-être un peu en deçà du reste) portée par cette nouvelle Mustang, la plus étoffée qui nous fait ressentir la poussière épaisse des Rocheuses et la libération qui surgit, un peu chaotique, dans des vies à l'équilibre précaire.

 


samedi 1 mai 2021

dimanche 20 décembre 2020

Les belles personnes de Chloé Cruchaudet

 Les Belles personnes

 Dans cette bande-dessinée originale et touchante, Chloé Crudauchet se fait la voix de ces belles personnes qui sont en quelque sorte des héros discrets dans le quotidien de ceux qui, leur sont proches où de ceux qui les ont approchés à un moment de leur vie. Elle leur rend hommage par un trait de dessin proche du croquis et par des nuances de couleur qui les distinguent chacune, empreintes d'une grande douceur ou parfois plus vives.

 Il est question de parcours bousculés par la vie (la maladie, le handicap, la précarité), de parcours singuliers dédiés aux autres (par le soin) ou à une passion (le jardin, le travail du bois, l'écriture)...

Des portraits tout en délicatesse qui se laissent lire agréablement, non sans une certaine émotion.

J'ai feuilleté par hasard cet ouvrage et je ne le regrette pas.

A vous aussi, de vous laisser tenter.

 



 

 

 

 

jeudi 17 décembre 2020

Une nuit de Trinh Xuan Thuan

La nuit recèle bien des mystères et Trinh Xuan Thuan, est un conteur hors pair pour nous éclairer sur les phénomènes célestes du cosmos en y portant un regard à la fois scientifique mais aussi poétique, dans une langue simple mais toujours emplie d'émerveillement.

Son observation du crépuscule à l'aube depuis la station de Mauna Kea, est l'occasion d'évoquer certaines questions.

Pourquoi le ciel est-il bleu, la nuit d'un noir d'encre? Une histoire de molécules d'air dans l'atmosphère, un voyage de la lumière dans le temps qui ne nous parvient pas...

Quel le rôle de la lune sur la stabilité des variations climatiques sur terre? Que cache l'ombre de la lune? Quelles sont  l'incidence de la pollution lumineuse sur la contemplation des étoiles et de la voie lactée ainsi les perturbations engendrées sur la la faune et la flore?

Et bien d'autres questions sont abordées en toute simplicité, illustrées par des poèmes et peintures magnifiques trouvant leur inspiration dans l'énigme de la nuit . Rilke, Chagall, Van Gogh, Saint-Exupéry, Proust et d'autres encore, font de cette lecture, un agréable moment.

Et  l'auteur de relater cette très belle idée de scientifiques aidés par les pouvoirs publics de créer des "réserves de nuit étoilée" loin des villes et de leur lumière artificielle,  pour pouvoir encore observer à l’œil nu,  ces astres et ce fleuve d'argent qui courent dans le ciel nocturne.

 

vendredi 11 décembre 2020

La source-Victor Hugo

                            

La source

Un lion habitait près d'une source ; un aigle
Y venait boire aussi.
Or, deux héros, un jour, deux rois - souvent Dieu règle
La destinée ainsi -

Vinrent à cette source où des palmiers attirent
Le passant hasardeux,
Et, s'étant reconnus, ces hommes se battirent
Et tombèrent tous deux.

L'aigle, comme ils mouraient, vint planer sur leurs têtes,
Et leur dit, rayonnant :
- Vous trouviez l'univers trop petit, et vous n'êtes
Qu'une ombre maintenant !

Ô princes ! et vos os, hier pleins de jeunesse,
Ne seront plus demain
Que des cailloux mêlés, sans qu'on les reconnaisse,
Aux pierres du chemin !

Insensés ! à quoi bon cette guerre âpre et rude,
Le duel, ce talion ? ...
Je vis en paix, moi l'aigle, en cette solitude,
Avec lui, le lion.

Nous venons tous deux boire à la même fontaine,
Rois dans les mêmes lieux ;
Je lui laisse le bois, la montagne et la plaine,
Et je garde les cieux.






Une nuit de Trinh Xuan Thuan

  Voici la critique d'un livre que j'ai lu en 2020 et que je publie maintenant car c'est un très bel ouvrage. La nuit recèle bie...