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vendredi 29 septembre 2023

Une nuit de Trinh Xuan Thuan

 

Voici la critique d'un livre que j'ai lu en 2020 et que je publie maintenant car c'est un très bel ouvrage.

La nuit recèle bien des mystères et Trinh Xuan Thuan, est un conteur hors pair pour nous éclairer sur les phénomènes célestes du cosmos en y portant un regard à la fois scientifique mais aussi poétique, dans une langue simple mais toujours emplie d'émerveillement.

Son observation du crépuscule à l'aube depuis la station de Mauna Kea, est l'occasion d'évoquer certaines questions.

Sur la couleur du ciel, quand la couche d'ozone filtre la lumière solaire, elle absorbe le rouge, l'orange, et le jaune mais laisse passer le bleu ;

Puis quand le soleil se couche au contact des molécules d'air et particules présentes dans l'atmosphère, la lumière bleutée se soustrait à la lumière blanche pour virer à l'orange et au jaune.

Dans l'espace intersidéral, il n'existe aucun particule d'air pour diffuser la lumière du soleil et le ciel devient noir d'encre.

Plus  loin, une autre explication est donnée sur le fait que la nuit soit noire.

La lumière des étoiles serait absorbée au cours de son voyage dans l'espace et n'étant pas instantanée, le temps qu'elle mettrait pour nous parvenir dépasserait l'âge de l'univers, elle se situerait aux confins d'un univers observable.

Quand le soleil se couche, au-dessous de 18°de l'horizon, l'obscurité devient totale.

Et l'astrophysicien se plaît à observer, tout d'abord la lune, qui a inspiré nombre de poètes.

Issue du choc d'un bolide contre la terre, la lune nous rend bien des services.

Elle permet d'éviter les variations climatiques extrêmes notamment en stabilisant l'axe de rotation de la terre, influe sur le courant des marées et offre de très beaux spectacles lors des éclipses solaires.

L'ombre de  la lune transforme le jour en la nuit pendant quelques minutes, phénomène qui va se perdre nous dit l'auteur car la lune s'éloigne imperceptible de la terre et les futures générations n'auront plus l'occasion d'observer ce fabuleux spectacle. Il restera les éclipses lunaires, quand la lune se situe dans l'ombre de la terre.

Une chose étonnante, la lune n'offre une face d 'elle-même bien qu'elle soit en mouvement autour de la terre (révolution mensuelle).

Grâce aux photorécepteurs dont nous sommes dotés (les cônes situés au centre  de rétine et les bâtonnets en périphérie), les couleurs nous apportent une dimension supplémentaire pour observer ce ciel plein de mystère mais l'auteur se désole que cette relation soit appauvrie par le développement de la lumière artificielle qui empêche près de 70 % de la population de voir nombre d'étoiles et impacte la faune comme la flore nocturne (perte du sens de l'orientation, perturbation du cycle circadien, augmentation de la vulnérabilité de certaines espèces en raison d'une viabilité accrue et multiplication des accidents d'oiseaux qui entrent en collision contre les vitres…)

Heureusement, certains scientifiques ont eu la belle idée de créer « des réserves de ciel étoilée », des sites d'observation préservés, de l'extension des villes et mégapoles et leurs lumières aveuglantes et permettant de contempler à l’œil nu les étoiles et plus largement ce fleuve d'argent qui court dans le ciel.

mercredi 29 septembre 2021

Les ombres de Zabus et Hyppolite


 Les ombres de Zabus et Hyppolite est le récit très poignant d'un enfant sommé de raconter son histoire à un fonctionnaire, aux portes du grand pays alors qu'il vient de traverser son petit pays en proie à un terrible conflit et qu'il porte en lui les ombres habitées par l'âme de défunts, qu'il ne sait s'il doit taire la vérité ou fait état de la réalité des faits et des évènements survenus. L'histoire se déroule et on a le cœur à vif  en découvrant les épreuves traversées et endurées par un enfant qui cherche à fuir l'horreur en protégeant sa petite sœur des exactions des cavaliers sanguinaires, de l'exploitation par le travail de l'ogre de la forêt, de la convoitise de certains et des passeurs sans scrupule à l'image de serpents sans équivoque.

Le dessin est parfois presque semblable à des esquisses sombres, envahi qu'il est par l'ombre de la mort ou l'ombre des morts dont les voix résonnent avec force puis les couleurs s'éclaircissent alors que l'arrivée sur le territoire du grand pays semble se préciser. Mais ce n'est qu'un mirage et les couleurs s'en vont dans la nuit, dans la désolation de ces bâtisses administratives où des fonctionnaires décident du sort des exilés.

On peut remarquer que les visages des exilés sont flous par rapport à ceux de l'ogre, du caïd, des cavaliers sanguinaires et du fonctionnaire qui sont marqués (les rides), voire acérés (les dents, on pourrait même dire, les crocs apparents) . 

Cela donne une force au dessin avec l'idée que ces exilés partent  à la recherche d'une identité perdue ou mise à mal par cet exil forcé dans le sens où ils n'ont pas d'autres choix que quitter le petit pays pour sauver leur vie.

Je vous conseille vivement la lecture de cette bande dessinée, un ouvrage de qualité sur un thème plus que d'actualité.

 

 



La théorie des nuages de Stéphane Audeguy


Conseillée par un libraire de La Rochelle, cette lecture m' a d'abord emportée dans les nimbes de ces nuages qui fascinent les différents personnages puis déconcertée dans la 3ème partie avec l'étude du protocole Abercrombie. 

La qualité narrative de l'auteur permet au lecteur d'être immédiatement embarqué dans l'histoire que relate Akira Kumo, à Virginie Latour qu'il vient d'engager pour répertorier sa collection de livres.

Au fur à mesure de leurs rencontres, Akira Kumo lui raconte les prémices de cette science des nuages qui émerge au 19ème siècle grâce des personnages clefs tels que Luke Howard, auteur de la typologie des nuages, Cirrhus, Cumulus et autres stratus, Carmichaël, peintre de son état, qui en fera l'élément principal de ses toiles en effaçant toute présence humaine, puis William S Williamson, météorologue avant l'heure et Abercrombie  (personnage inventé par l'auteur) pour qui l'étude du ciel prendra une tournure étrange.

Ces nuages, loin de manifester des signes de colère émanant des divinités antiques, deviennent des formes évanescentes pour les poètes et des objets d'étude aux propriétés physiques pour les spécialistes.

Il est aussi question de nuages qui surgissent sous forme d'un cataclysme naturel (Le nuage volcanique de Krakatoa) ou provoqué par l'homme (la bombe atomique).

L'histoire de ce couturier Japonais, né à Hiroshima, se dévoile ainsi en même temps que celle des chasseurs de nuages, une mémoire qui se déroule comme un fil ténu, avec ses traumas  et avec Virginie Latour  comme dépositaire de ce témoignage.

Si l'écriture me paraît très délicate et sensible, je trouve que les personnages féminins ne sont pas traités de la même manière, le personnage de la Fille d'Abercromie est même qualifiée d'"inculte et alcoolique"et l'auteur évoque "sa précocité dans tous les vices" alors qu'aucun jugement n'est porté sur les hommes et notamment Richard Abercromie et son rapport aux prostituées, sa fascination pour certaines parties du corps de femmes exotiques et un vocabulaire emprunt d’ethnocentrisme qui va certainement avec l'époque (XIX, début 1900).

C'est dommage, car la thématique de départ autour des nuages était vraiment originale et avait tout pour faire un très grand roman. Là, l'auteur m'a un peu perdu en chemin. On ne peut pas dissocier la forme du fonds et même si cette lecture est d'un abord extrêmement plaisant, d'une certaine érudition, et que le personnage de Akira Kumo, semble vraiment incarné avec force tout comme les précurseurs de la météorologie, le personnage d'Abercromie, m' a quelque peu déroutée et moins intéressée.

Cela ne m'empêche pas de souligner que Stéphane Audeguy a de véritable talent de conteur, et que je vous conseille la lecture de cet ouvrage car il y de très beaux passages qui vous portent comme le souffle d'un paysage ou le passage d'un nuage.


"Certains nuages en effet semblent surplomber tous les autres, et s'étirent comme des griffures de chat ou des crinières, en longues fibres parallèles ou divergentes, presque diaphanes ; Howard les nomme des filaments : ce seront , en latin, les cirrus..."

 "Le temps est venu pour le volcan de s'effacer du ciel. Alors, comme s'il se souvenait, au moment de mourir, de son glorieux passé terrestre, le défunt Krakatoa se disperse à une vitesse croissante dans toutes les couches de l'atmosphère, provoquant des diffractions inédites de la lumière du soleil, inventant des aurores flamboyantes, des magnifiques couchers de soleil, qui semblent un océan de métal liquide, piqué de vert émeraude et de nuances d'ocre subtiles, des couchers de soleil comme de mémoire d'homme on n'en a jamais vu."

 "Il s'est mis à penser que toutes les formes naturelles obéissent à des lois récurrentes. Il croit que le créateur du monde l'a voulu ainsi, et la jeune science des formes célébrera l'oeuvre divine. Johann Wolfgang Goethe sait que bientôt l'eau de son propre corps voyagera, pour partie dans le sol, pour partie dans les airs, et cela le console de la mort. Il aime à penser que sa dépouille va nourrir des plantes, ou de petits insectes mal connus. Même il pense parfois, mais sans le dire à personne, que le cerveau des hommes a la forme des nuages, et qu'ainsi les nuages sont comme le siège de la pensée du ciel ; ou alors, que le cerveau est ce nuage dans l'homme qui le rattache au ciel. Parfois même Goethe rêve que la pensée elle-même se développe non pas, comme disent certains, à la façon d'un édifice de pierres, mais bien plutôt comme ces arborescences nuageuses qu'il admire tant, dans les cieux toujours renouvelés, au-dessus de Weimar."



 

 

 


 

 


 

 


dimanche 27 septembre 2020

In waves de Aj Dungo

 

In waves par Dungo

Ce roman graphique de Aj Dungo est d'une beauté étonnante pour une première œuvre, qui tient déjà à la sincérité du propos, puisque qu'il s'agit d'un récit autobiographique.

C'est une histoire à la fois forte et délicate sur l'amour de deux jeunes lycéens que la maladie met à rude épreuve et parallèlement une ode à la passion du surf qui lie tous les personnages.

Le parti pris de l'auteur d'illustrer l'histoire de Kristen dans des tons bleutés et celle sur l'origine du surf dans des tons sépia ainsi qu'une mise en page très aérée, avec parfois du texte mais aussi des silences et un dessin aux lignes très épurées suggérant en quelques traits les personnages comme la mer  apportent beaucoup d'émotions au lecteur et l'emporte en douceur dans les rides des vagues et dans le cœur des sentiments.

L'auteur parvient à donner de la légèreté à un sujet douloureux qui est le deuil en l'évoquant avec retenue et surtout en célébrant avec force cet amour qui prend les allures d'un vibrant hommage  grâce la promesse tenue en toute fin.

C'est une lecture bouleversante, que l'on ne peut pas oublier de sitôt.

Et je dirais même que c'est un ouvrage à offrir, par sa beauté graphique même si la thématique est délicate



samedi 26 septembre 2020

L'étrange bibliothèque de Murakami Haruki

 

Je replonge avec délice dans l'univers de Murakami, à travers cette nouvelle illustrée, L'étrange bibliothèque, où un jeune garçon fait prisonnier par un vieil homme autoritaire dans les sous-sols labyrinthiques d'une curieuse bibliothèque se voit embarqué dans un étrange marchandage où certains ont semble-t-il besoin de se nourrir de savoir au sens propre comme au sens figuré.

Au cours de cette histoire, il fera des rencontres improbables, un homme-mouton qui cuisine de savoureux nuggets et une petite fille qui apparaitra sous différentes formes.

Le style de Murakami est fluide, comme toujours et dès les premières lignes, son écriture pose le sentiment d'étrangeté: à propos de ses souliers neufs, le garçon dit "J'avais l'impression qu'il ne s'agissait pas de mes propres pas" puis face à la bibliothécaire: "on aurait dit qu'elle lisait avec l’œil droit, la page de droite et l’œil gauche, la page de gauche".

On est captivé dès les premiers instants sans même savoir à la fin de la lecture, si tout compte fait, il s'agissait d'un rêve, d'un cauchemar, d'une prémonition...Avec Murakami, toutes les interprétations sont possibles et c'est aussi tout son talent que de donner plusieurs pistes.

Il est à noter que ce texte est accompagné de très belles illustrations de Kat Menschik,  toutes en tons monochromes, elles traduisent parfaitement le côté obscur de l'histoire.

Laissez-vous donc tenter par le Maître Japonais.


vendredi 18 septembre 2020

Le rocher bleu de Jimmy Liao


Voilà un auteur d'illustration jeunesse assez méconnu Jimmy Liao que j'ai découvert avec son dernier ouvrage La Nuit Etoilée et qui livre ici une histoire renversante, étonnante et emplie d'émotion sur le voyage d'un rocher à travers le temps et d'une contrée à l'autre.

Suite à un incendie dans la forêt millénaire où il repose, le rocher bleu est récupéré par la main de l'homme, il va subir moult transformations, passer de main en main. Ses vies sont multiples, de sculpture à pierre tombale, boulet dans un bagne, balle de clown, bijou porte-bonheur, mais cela n'empêche pas d'être nostalgique de sa première vie et d'observer les joies mais surtout les peines que les personnages autour de lui  traversent et qui le mettent en émoi.

Cet un ouvrage à la portée métaphysique sur les cycles de vie, ses saisons ses renouvellements et sur le sens de la vie, la place que l'on cherche à trouver dans le cosmos, un moment  à partager avec les plus petits pour leur ouvrir le champ de l'infiniment grand comme l'infiniment petit.

Il faut souligner que les illustrations de Jimmy Liao sont magnifiques et portent cette histoire à merveille.

A lire absolument.

 


dimanche 13 septembre 2020

Le géant chagrin de Carole Martinez et David Sala


Le Géant Chagrin ou comment un géant malgré ses larmes bouscule la vie bien rangée de toute une famille et même d'un village et y trouve un remède à sa mélancolie.

Un texte de grande qualité de Carole Martinez déjà connue et reconnue pour sa plume et un brillant illustrateur David Sala font de cette lecture un moment très agréable. 

De la subtilité, un brin d'humour et de poésie, des illustrations qui passent de la grisaille aux couleurs chaudes, aux coups de pinceaux plus marqués qui débordent des "cases" et qui traduisent le passage de la monotonie des vies qui s'écoulent à un débordement de fantaisie.

Bref une très belle réussite et complicité entre les deux auteurs.

A lire même si l'enfance est loin




 


Le dernier des loups et fils de dragon de Sébastien Perez et Justine Prax

 


Mon intérêt pour l'illustration m'amène vers la lecture d'ouvrages orientés jeunesse.

La couverture m'ayant tapé dans l’œil, je me suis donc  lancée dans la lecture du Dernier des loups, sorti ce mois-ci et puis dans la foulée Fils de dragon de Sébastien Perez, auteur et Justine Prax, illustratrice.

Dans l'un, un enfant archer au sortir d'une guerre qui a fait plusieurs victimes de loups, part combattre le dernier des loups en vue de préserver la population. Bien sûr, la rencontre avec ce dernier ne sera pas telle que l'on peut imaginer.

Dans l'autre, un enfant élevé par des dragons, en quête d'identité, part rencontrer 5 rois qui vont l'éclairer sur son histoire en l'aidant à cheminer.

Deux  contes initiatiques  avec une jolie leçon sur la différence.

Les illustrations quant à elles sont originales et magnifiquement réalisées par Justine Brax.

Un très beau travail  de précision sur le pelage du loup ou des loups et des nuances bleutés qui adoucissent le ton et un mélange de techniques (feutres, peinture et  aussi collages dans Fils de dragon)

qui fait des merveilles.

A lire que l'on soit petit ou grand.








mardi 25 août 2020

Otages intimes de Jeanne Benameur

 Otages Intimes par Benameur


Otages intimes est un témoignage sur le trop plein d émotions et les pensées troublantes qui accaparent Étienne, rescapé d'une prise d otages, Le moment de la libération que l'on suit avec l'émoi chez sa mère, de son ancienne compagne et ses  deux amis de l'enfance, otages intimes malgré eux de cette histoire cristallise tous les questionnements.

La première partie (l'arrivée d'Étienne à l'aéroport)  nous saisit par sa puissance émotionnelle. Aucun mot n'est choisi au hasard pour décrire l'enfer vécu, les interrogations qui parcourent Étienne, rétrospectivement comme un long travelling avec un arrêt sur image . Cette scène qui lui revient en mémoire comme un leitmotiv: une femme qui fuit avec ses enfants et un homme probablement blessé dans une voiture juste au moment de son kidnapping. On remarque ainsi que même dans la tourmente, le regard du photographe ne peut s’empêcher de s’exercer attrapant au vol une image qui dit beaucoup de son métier.

Le retour d Étienne, c'est aussi le retour à la relation maternelle avec le personnage de Irène qui, par son attention délicate cherche à redonner sens à Étienne dans un quotidien qui laisse place à de nombreuses réflexions, à des retours sur image tant pour elle que pour lui. Elle, qui a toujours été dans une posture d'attente avec un mari marin, disparu en mer essaie de s' inscrire dans le présent avec des gestes et des mots mesurés pour accompagner ce retour d'Étienne au village. Au fil des jours, dans l'esprit d' Étienne finissent par surgir les mots de son ancienne compagne, les mots qu'elle avait su lui dire avant son départ pour nommer ce temps qui ne lui appartient plus quand il est absent et qui la rend aussi prisonnière de sa vie intime.

Ces mots disent aussi l'implication d un métier qui trouve son sens en captant l' image de victimes de guerre pour qu'elles ne soient pas oubliées  sans qu'il soit possible de se préserver mentalement, intimement des répercussions.  Le choix d'une vie qui est  celui d'être auprès des morts et de côtoyer la mort dans une telle proximité qu'il faut chercher le souffle de vie ailleurs.

Mais comme le suggère son amie de toujours Jofraska qui défend des victimes de guerre, le temps est peut être venu pour Étienne de choisir le camp des vivants,  le champ de la photographie est vaste.

Au fil des pages, on peut imaginer aussi que le temps et l'écriture seront des recours plutôt que l'image pour raconter l'indicible expérience de la captivité.

Ce roman se lit d'une traite malgré quelques bémols. La deuxième partie (le retour au village) perd en intensité. De plus, le propos toujours grave alourdit l'histoire, manque de respirations. Et puis l absence d'ancrage historique et géographique donne, me semble-t'il moins de chair sur le plan narratif. 

Il n'empêche que l'écriture de Jeanne Benameur est sacrément belle. Écrivaine de l'intime, elle relate avec force le tumulte des émotions dans des circonstances peu ordinaires avec des mots d'une simplicité déconcertante. 


dimanche 22 décembre 2019

La différence invisible de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline

La différence invisible, scénarisée par Julie Dachez, adaptée et mise en forme par Mademoiselle Caroline, sous de forme de Bande-Dessinée, est un témoignage rare et essentiel sur l'autisme au féminin.
Marguerite, 27 ans, vit en couple avec ses deux chats et son chien, travaille dans une entreprise et semble suivre son chemin sous une apparente normalité. Sauf que se fondre dans un moule lui coûte en énergie, ici joliment symbolisée par une réserve en petites cuillères, dans laquelle elle puise jour après jour, loin, très loin de son identité profonde.
Chemin faisant, elle va découvrir et donner un nom à cette différence invisible pour beaucoup au premier abord, l'accepter et l'étudier pour en comprendre les manifestations.
En préambule, Julie Dachez invite chacun à afficher sa singularité et même à aider les autres à sortir des carcans normatifs qui régissent la société jusqu'à les rendre malades.
Au fil des pages, l'illustration est très éloquente: des couleurs monochromes pour se fondre  dans la masse, un rouge vif quand les efforts sont tels pour supporter le bruit ou tenir un semblant de conversation, que Marguerite en ressort épuisée avec un besoin vital de s'isoler.
Puis quand le diagnostic se précise, que Marguerite avance dans ses recherches et rencontre des personnes touchées par le syndrome Asperger du TSA (Trouble du Spectre Autistique), sa vie reprend des couleurs car elle parvient à identifier, ce qui fait sa particularité et à la partager avec d'autres.
A la fin de l'ouvrage, l'auteure déroule en quelques pages très instructives, l'histoire de l'autisme tellement difficile à cerner tant pour les professionnels que pour les proches, que beaucoup d'amagalmes ont lieu et nombre d'idées reçues circulent à son sujet.
Avec la performance de Dustin Hoffman dans Rainman, l'image d'un autisme de haut niveau a été popularisée aprés du grand public. Mais dans la réalité, il existe autant de formes d'autisme (avec ou sans déficience intellectuelle) qu'il existe de personnes qualifiées d'autistes.
Et le mérite de Julie Dachez est de souligner que l'autisme féminin (20% des personnes diagnostiquées)  a ses spécificités: la gestion de l'hypersensibilité et la faculté à décoder les codes sociaux pour y coller en apparence au prix de grands efforts  ainsi que des ilôts de compétences , c'est à-dire les intérêts spécifiques qui sont plus communément acceptés (passion pour les animaux, les arbres....); chez les garçons, développer une appétence démesurée pour l'étude des cartes routières par exemple, va plus questionner.
 Il n'en demeure pas moins que le TSA est un trouble de la communication et de la relation à l'autre, dont le mode de fonctionnement différe d'un individu à l'autre et que, comme le développe Julie Dachez, dans "la différence invisible" il est difficile à diagnostiquer, surtout en France, où les moyens en personnels compétents sur la question ne sont pas à la hauteur des besoins laissant souvent dans le désarroi familles et enfants. Ainsi, les Centres Ressources Autisme sont peu nombreux encore et les files d'attente pour les rendez-vous s'étendent sur plusieurs années. Heureusement, le milieu associatif est là pour assurer un relais plus qu'honorable mais c'est l'arbre qui cache la forêt et il devient urgent qu'une politique d'accompagnement digne de ce nom soit initiée par l'Etat.
Plus qu'une bande-dessinée, c'est un message porteur sur l'acceptation de la différence par soi et par les autres "dans une société malade la normalité"; "votre différence ne fait pas partie du problème mais de la solution" nous dit Julie Dachez.
A méditer.

Voici une petite vidéo pour vous éclairer.
La théorie des petites cuillères de Julie Dachez


A voir aussi un très joli film français sorti en 2015 : Le goût des merveilles de Eric Besnard



dimanche 1 décembre 2019

Sinon, j'oublie de Clémentine Mélois

L'idée ingénieuse de Clémentine Mélois, soit collectionner des listes de courses trouvés dans la rue, 99 au total, donne matière à la création de petites histoires, drôles, légères ou un brin caustiques.Cet acte, somme toute banal, est moins insignifiant qu'il n'y paraît. La forme de l'écriture, les ratures, les mots doux, le papier utilisé et donc une foule de détails révèlent ou du moins laissent imaginer une part de nos habitudes, et en poussant plus loin ce qui pourrait nous représenter intimement.
Déployant un imaginaire fertile sur les envies, les rêves, les comportements de ses personnages, l'auteure s'éloigne un peu trop, à mon sens, de ces listes, en inventant des histoires qui n'ont pas forcément de liens explicites. Elle n'évite pas aussi certaines généralités, comme si le leitmotiv invoqué était de parler au plus grand nombre.
Évidemment, son sens de la formule fait mouche et certains portraits sont savoureux: "Rudy" et sa logorrhée mentale," Sofian " et sa conduite d'urgence, "Sandy" et sa peur d'être mordue par un alligator, "Alicia" et les petites manies des stars, "Jean-Pierre" et les sigles abscons de l'administration etc.
Un style simple, voire familier, dans l'air du temps, permet au lecteur de se laisser porté sans trop d'efforts.
Au final, une curiosité à découvrir et une originalité à encourager.


Coquelicot et autres mots que j'aime d'Anne Sylvestre

Étonnement, Anne Sylvestre, reconnue depuis les années 60 pur son talent d’auteur-compositeur-interprète dans le milieu de la chanson française, n'avait jamais publié de livre avant 2014.
Ne la connaissant que très peu, je la découvre à travers dans ce nouveau registre, un recueil de ses mots préférés qu'elle nous livre sur un ton léger, badin, parfois mordant.
Avec une approche où tous les sens sont en éveil, elle explore la sonorité, la musicalité, l'étymologie, le sens et surtout le pouvoir d'évocation de ces mots, c'est-à-dire les souvenirs qui émergent, les émotions qui s'y rattachent et l'imaginaire qui se déploie.
Sous la plume de l'auteure, simple et aérienne, les mots deviennent des personnages qui ont une histoire à raconter.
Ainsi, la banalité d'une expression "Mais Bon" recèle plus de richesse qu'il n'y parait. "Le mais"  est une protestation, tandis que le "bon" se résigne et traduit une diversité de sentiments: optimisme, dépit, fatalisme etc.
Par petite touche, elle évoque certaines évolutions comme le passage à l'école d'une écriture à la plume d'encre, au stylo-plume puis au stylo-bille et au feutre. Les mots détournés à l'enfance "tomber d'énue" devenant "tomber d'émue" redonnent le sourire à l'auteure, des années plus tard.
"On s'ennuierait beaucoup si on ne pouvait s'amuser avec les mots, même à leur dépens. Je suis sûre qu'ils aiment ça." nous dit-elle.
C'est une lecture agréable, sans prétention, une promenade dans l'univers d'Anne Sylvestre, qui, mine de rien, permet de découvrir certains mots peu usités.
L'écoute de ses chansons les plus emblématiques, "Les gens qui doutent" ou "une sorcière comme les autres"en autres, me laisse penser que son écriture est plus élaborée et puissante que dans ce livre. C'est une impression qui demande peut-être à être développer en s'attardant davantage sur sa discographie.

jeudi 14 novembre 2019

Tibet-Minéral Animal de Vincent Munier et Sylvain Tesson

Le talent indéniable du photographe animalier, Vincent Munier associé à la plume poétique de l'aventurier et écrivain, Sylvain Tesson font de ce livre somptueux, une œuvre indispensable  pour qui s’émerveille encore de la beauté que réserve la nature.
L'ouvrage couvre une période de 2011 à 2018 où Vincent Munier s'est aventuré sur les plateaux du Tibet pour y capter durablement des instants fugaces de vie animale s'exprimant dans un environnement hostile à l'homme. Une patience à l'épreuve du temps pour saisir ces clichés présentés avec une certaine progression dans les tons et les lumières, comme un jour qui se lève et se découvre pleinement.
Ainsi, dans des teintes froides tirant vers le bleu acier, apparaissent les silhouettes en ombre chinoise d'un yack, d'un loup gris, d'un aigle royal et d'autres encore. Puis un décor de brume et de lumière tamisée offre à ces espèces la liberté d'évoluer discrètement et sereinement dans un environnement qui leur est familier.
Le ciel se dégage dans l'immensité de la steppe tibétaine et surgit dans l'objectif de l'appareil, l'inespérée Panthère des neiges dressée sur les hauteurs des falaises.
Des plans resserrés aux cadrages très larges, la patte du photographe est unique et sa palette de couleurs incroyable de nuances et de douceur.
Puis, on distingue un paysage minéral, érodé par le temps mais dompté par ces espèces rares, à l'abri pour le moment du passage humain.
Plus on avance dans la lecture, plus les photographies donnent à explorer un univers éthéré et cotonneux  où l'animal devenu insaisissable s'intègre comme une esquisse dans le tableau vivant de la nature.
"Les bêtes sont les notes sur la partition. Que jouent-elles? Le chant du monde" nous dit Sylvain Tesson. Ses textes magnifiques présentant sa lecture du monde minéral et animal devraient résonner en chacun de ceux qui veulent accorder une place à tous les éléments du vivant sans s'arroger le droit d'en être propriétaire ni conduire à sa sa disparition.
Je ne chercherais pas à paraphraser plus, il suffit juste de s'attarder sur ces fragments de poésie qui donnent des mots et un ressenti à ce voyage tibétain.
Extrait:
"Une question de sémantique?
L'homme déboula sur la terre,
zigouilla les bêtes,
fissionna l'atome,
traficota le gêne,
modifia les organismes,
acidifia les sols,
plastifia les mers,
et barbouilla l'atmosphère.
Tout cela en si peu de temps.
Quel talent!
Et puis, il nomma "nuisibles"
Ceux qui ne participaient pas à l'entreprise."

mardi 12 novembre 2019

Il ne fait jamais noir en ville de Marie-Sabine Roger

Adepte de Marie-Sabine Roger, de son écriture sensible et de son sens du romanesque mettant en relief des personnages souvent atypiques, je viens de découvrir ce recueil de nouvelles à l'occasion d'un atelier d'écriture.
Que dire de ces textes magnifiques? Des mots simples pour présenter avec poésie des situations qui jalonnent le cours de l'existence. La tendresse infinie de l'auteure pour ses personnages y est palpable. Elle n'a pas son pareil pour évoquer sous toutes ses formes, l'amour, la séparation, la solidarité, les liens intergénérationnels ou sociaux en nous emportant dans une direction inattendue.
Par petites touches, on voit aussi se redessiner les contours de la cellule familiale, de la parentalité, du couple et des relations avec les autres dans une société qui change de visage.
Le format court de ce type d'ouvrage ne permet pas d'en dévoiler plus au risque d'en gâcher le plaisir du lecteur.
Je veux juste souligner l'émotion ressentie à la lecture de certaines nouvelles quand des êtres vulnérables ou marginaux se contentant de peu retrouvent l'émerveillement de l'enfance (Ce soir, c'est la fête) ou se voient pousser des ailes à la vue d'un spectacle de rollers (Libres oiseaux), quand l'amour inconditionnel d'un père pour sa fille s'exprime dans un moment suspendu où la séparation se profile (La parenthèse) ou bien quand un fils éloigné de sa mère vieillissante par sa vie professionnelle choisit de la rapprocher de lui (Il ne fait pas noir en ville).
Pour terminer, un petit extrait qui caractérise la musicalité de cette écriture en présentant le tempérament d'une petite fille:
"Elle passe du rire aux larmes, elle est toute d'intempéries, de coups de vents et d'accalmies"






vendredi 11 octobre 2019

Le palais de glace de Tarjei Vesaas

4/5
La lecture de cet ouvrage m'a été conseillée par mon libraire préféré. Que dire? Ce palais de glace m'a emportée dans la féerie et le mystère des contrées nordiques.
Une histoire intrigante et étrange d'une amitié absolue qui se tisse entre deux fillettes de onze ans, Unn et Siss, en une nuit où leur destin se dessine autour d'un pacte scellé entre elles à demi-mot.
Unn disparait le lendemain sur le chemin du palais des glaces apparu à l'automne. Et Siss, persuadée que d'elle, dépend sa survie, participe ardemment aux recherches avec les adultes.Unn occupe ses pensées chaque jour jusqu'à l'obsession, jusqu'à la peur de l'oubli.
Je pense qu'il ne faut pas en dire plus sur l'histoire mais s'attarder sur la poésie des mots qui frappe le lecteur à chaque page et notamment la description magique de ce palais des glaces, personnage central du roman, aussi attirant qu'inquiétant.
C'est un livre très sensoriel où l'on entend gronder la cascade tel le murmure d'un fauve, vibrer l'édifice de glace dur comme du verre et fragile comme un château de sable et où l'on se représente visuellement ce tableau vivant et éphémère, dressé au milieu de la nature,
Le dénouement est peut-être en deçà de ce que j’espérais, mais l'écriture simple et stylisée à la fois de ce roman et le climat onirique qui en découle, procurent  un tel enchantement de lecture, à la limite de l'envoutement, que cela en devient presque anecdotique.
Ne passez pas à côté de cet auteur norvégien, Tarjei Vesaas qui mérite que son œuvre soit découverte et partagée par le plus grand nombre.


lundi 18 mars 2019

Les quatre accords toltèques de Don Miguel Ruiz

5/5
Voilà un livre qui m'a fait énormément de bien et que je vais garder sur ma table de chevet.
Je ne suis pas forcément adepte des ouvrages sur le développement personnel mais celui-ci mérite que l'on s'y attarde.
Les 4 accords toltèques sont issus de l'enseignement de chamans mexicains et trouvent leur origine dans le système de croyances qui conditionne notre vie dès la petite enfance.
L'enfant libre et sauvage qui est en nous devient à partir de 3 ans, dépendant de l'attention qu'il porte et que lui portent ses parents, ses proches, ses amis et se construit sur la base de vérités qui ne lui appartiennent pas et qui sont véhiculées par son entourage. C'est le processus de domestication des humains.
L'enfant devenu adulte devient tributaire du jugement des autres  et des accords qu'il passe avec lui-même en donnant du crédit à des paroles qui vont abîmer son estime de soi, sa vérité intérieure et vont le rendre malheureux tout au long de sa vie à moins de transformer ses accords.
Eh oui on a le choix de se libérer des peurs sur lesquelles reposent ces croyances en suivant les 4 accords Toltèques, simples comme des mantras en apparence mais bien compliqués à mettre en œuvre. 
Le 1er accord, c'est "que votre parole soit impeccable".
La parole représente la capacité à s'exprimer et à communiquer. Elle est un instrument puissant car un seul mot peut guérir ou anéantir et pénétrer notre système de croyances. Ainsi, la médisance courante dans nos sociétés et que l'auteur qualifie de "magie noire" peut occasionner de mauvais sorts jetés à nous ou aux autres,
Mais "on ne reçoit une parole négative que si notre esprit y est ouvert" Si on transforme notre parole, on peut éliminer "ce poison émotionnel" de notre esprit et de nos relations et devenir libre et heureux.
Pour citer l'auteur, "l'intensité de l'amour -propre que l'on se porte est proportionnelle à la qualité et l'intégrité de notre parole".
Le 2e accord est "quoi qu'il arrive, n'en fais pas une affaire personnelle". 
Ce que dit l'autre, le concerne, pas vous. Autrement dit, les opinions qu'il émet dépendent de ses croyances propres, de ses sentiments personnels, des accords qu'il a lui même conclus dans son esprit.
Ainsi, en faisant une affaire personnelle, on devient vite une proie facile et des opinions sans valeur peuvent nous atteindre et devenir nôtres. Si je sais qui je suis, si je n'ai pas de peurs, ces émotions n'auront pas de prise sur moi.
Le 3e accord est "ne faîtes pas de suppositions". Il importe de ne pas prêter des intentions à autrui et de ne pas prendre les choses personnellement. Poser des questions, lever le doute  plutôt de supposer car cela engendre de la souffrance. 
Le 4e accord qui découle des autres est "faîtes toujours de votre mieux". C'est-à dire donner le meilleur de soi mais avec les moyens du moment, ni plus ni moins.
Quelque soient les circonstances, l'action est le meilleur remède. Agir parce que l'on a envie et non pour recevoir une récompense. Exprimer qui on est en concrétisant les idées que l'on a en tête.
Les 4 accords Toltèques sont une très belle proposition à expérimenter pour se rapprocher de soi, s'accepter et accepter les autres sans jugement et trouver le chemin de la liberté et peut-être du bonheur.
Vous l'avez compris, je vous recommande vivement la lecture de ce petit livre.


 

dimanche 25 juin 2017

Petit pays de Gaël Faye

4/5
Voilà un roman qui ne peut pas laisser de marbre. Du haut de ses 10 ans, Gabriel nous raconte son quotidien au Burundi appelé affectueusement par Gaël Faye, petit pays. 
Avec sa bande de copains, ils s'aiment comme des frères. Ils se retrouvent régulièrement dans un vieux combi Volkswagen sur un terrain vague pour jouer ou bien visitent des jardins pour y subtiliser quelques mangues. 
Des événements  politiques sombres se préparent qui vont entacher cette part d'insouciance propre à l'enfance.
Entre sa mère exilée rwandaise tutsi et son père français expatrié, Gabriel se découvre des origines mais ne veut pas prendre parti. Il cherche refuge dans les livres, se met à distance pourtant il sera forcé de choisir un camp.
C'est un regard à hauteur d'enfant sur une part d'innocence qui se volatilise face à la violence qui contamine tout un pays. 
J'ai trouvé ce livre bouleversant; l'écriture est magnifique, traversée par des fulgurances littéraires.
Je pensais que ce livre était autobiographique mais apparemment cela n'est pas le cas.
Pour un premier roman, c'est chapeau bas, Monsieur Faye.
En tout cas, ce n'est pas une lecture que j'oublierai de sitôt. Je me suis tellement attachée à ce petit garçon au fil des pages et sentie révoltée face au sort réservé à sa famille et ses amis. 

jeudi 8 juin 2017

Dans la forêt de Jean Hegland

3/5
Je suis étonnée par l'enthousiasme que suscite ce roman de Jean Hegland. J'en ai entendu parler à la Grande Librairie et le sujet, bien que traité régulièrement dans la littérature, m'a d'emblée attirée. Deux sœurs, Nell et, Eva, se trouvent isolées dans leur habitation familiale située en bordure de forêt, coupées du reste de la ville où plus rien ne fonctionne: ni électricité ni téléphone ni transports ni service public. Les gens fuient au nord-est des Etats-Unis, bercés par l'illusion de trouver une parade à cette catastrophe qui ne dit pas son nom.
Je dois avouée que les cent premières pages de ce livre m'ont profondément ennuyée surtout en raison du procédé narratif. L'histoire est racontée du point de vue de Nell, la plus jeune des sœurs sous forme de journal et celle-ci est souvent plongée dans l'évocation de souvenirs quand elle ne compulse pas son encyclopédie. Eva, l'aînée s'adonne à la danse au rythme de son métronome à défaut de musique. C'est très lent, j'imagine que c'est voulu mais j'ai eu du mal à m’intéresser au sort des personnages. Puis à un moment, quand Nell et Eva découvrent la désolation qui règne sur la ville, le roman décolle, trouve son rythme et monte en puissance. Il m'aura fallu patienter mais peut-être qu'un livre, cela se mérite...
On partage alors pleinement les émotions des deux sœurs, les tensions qui surgissent pour organiser leur survie. On les voit découvrir la forêt sous un nouveau regard et apprendre petit à petit à s'en faire une alliée.
Même si l'impression laissée au final est positive, sur un thème similaire, je conseillerai davantage la lecture du roman  de Marlen Haushofer "Le mur invisible" qui m'avait emportée bien plus loin et bien plus haut.







jeudi 1 juin 2017

Eldorado de Laurent Gaudé

4/5
Je découvre Laurent Gaudé à travers ce thème ô combien d'actualité qui interpelle: le drame des migrants.
C'est une histoire à deux voix qui nous est contée. Celle du commandant Salvatore Piracci. Ce dernier intercepte des migrants sur des embarcations de fortune qui dérivent au large des Côtes Italiennes, abandonnés lâchement  par des passeurs sans scrupule. Il s'interroge: va-t-il passer sa vie entière à patrouiller? Va-t-il continuer à recueillir des clandestins qui seront redirigés vers des centres de détention provisoire et ramenés dans leur pays?  La rencontre avec une femme va le bouleverser et susciter en lui émoi et prise de conscience.
L'autre voix est celle de Soleiman, soudanais d'origine, qui quitte son pays avec pour seul bagage, l'espoir d'une vie meilleure sur le continent européen et qui va affronter des cascades d’épreuves, le cœur noué mais accroché.
L'écriture est belle, douce et puissante à la fois, ce qui en fait sa force d'évocation. Il n'y a aucun misérabilisme de la part de l'auteur.
Ce roman a le mérite de croiser les points de vue entre ceux qui émigrent et ceux qui les recueillent sans aucun manichéisme.
Cependant, ce sujet est tellement remuant que je n'ai pas pu lire ce roman d'une traite même s'il n'est pas très épais. Il m'a fallu reprendre mon souffle à plusieurs reprises.  Trop remuant, ces vies en devenir, bafouées par le sort et la bassesse des hommes qui font commerce de la misère humaine.
Dans le même temps, Laurent Gaudé souligne avec délicatesse la beauté et la dignité de ces hommes et de ces femmes qui partent à l'assaut des frontières avec courage et ferveur pour forcer le destin, leur destin en laissant derrière eux une part de leur identité, de leur histoire, de leur vie.
J'ai cette sensation qui ne me quitte pas d'avoir découvert un auteur de grand talent; aussi je vais de ce pas me renseigner sur son œuvre.


Une nuit de Trinh Xuan Thuan

  Voici la critique d'un livre que j'ai lu en 2020 et que je publie maintenant car c'est un très bel ouvrage. La nuit recèle bie...