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dimanche 22 décembre 2019

La différence invisible de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline

La différence invisible, scénarisée par Julie Dachez, adaptée et mise en forme par Mademoiselle Caroline, sous de forme de Bande-Dessinée, est un témoignage rare et essentiel sur l'autisme au féminin.
Marguerite, 27 ans, vit en couple avec ses deux chats et son chien, travaille dans une entreprise et semble suivre son chemin sous une apparente normalité. Sauf que se fondre dans un moule lui coûte en énergie, ici joliment symbolisée par une réserve en petites cuillères, dans laquelle elle puise jour après jour, loin, très loin de son identité profonde.
Chemin faisant, elle va découvrir et donner un nom à cette différence invisible pour beaucoup au premier abord, l'accepter et l'étudier pour en comprendre les manifestations.
En préambule, Julie Dachez invite chacun à afficher sa singularité et même à aider les autres à sortir des carcans normatifs qui régissent la société jusqu'à les rendre malades.
Au fil des pages, l'illustration est très éloquente: des couleurs monochromes pour se fondre  dans la masse, un rouge vif quand les efforts sont tels pour supporter le bruit ou tenir un semblant de conversation, que Marguerite en ressort épuisée avec un besoin vital de s'isoler.
Puis quand le diagnostic se précise, que Marguerite avance dans ses recherches et rencontre des personnes touchées par le syndrome Asperger du TSA (Trouble du Spectre Autistique), sa vie reprend des couleurs car elle parvient à identifier, ce qui fait sa particularité et à la partager avec d'autres.
A la fin de l'ouvrage, l'auteure déroule en quelques pages très instructives, l'histoire de l'autisme tellement difficile à cerner tant pour les professionnels que pour les proches, que beaucoup d'amagalmes ont lieu et nombre d'idées reçues circulent à son sujet.
Avec la performance de Dustin Hoffman dans Rainman, l'image d'un autisme de haut niveau a été popularisée aprés du grand public. Mais dans la réalité, il existe autant de formes d'autisme (avec ou sans déficience intellectuelle) qu'il existe de personnes qualifiées d'autistes.
Et le mérite de Julie Dachez est de souligner que l'autisme féminin (20% des personnes diagnostiquées)  a ses spécificités: la gestion de l'hypersensibilité et la faculté à décoder les codes sociaux pour y coller en apparence au prix de grands efforts  ainsi que des ilôts de compétences , c'est à-dire les intérêts spécifiques qui sont plus communément acceptés (passion pour les animaux, les arbres....); chez les garçons, développer une appétence démesurée pour l'étude des cartes routières par exemple, va plus questionner.
 Il n'en demeure pas moins que le TSA est un trouble de la communication et de la relation à l'autre, dont le mode de fonctionnement différe d'un individu à l'autre et que, comme le développe Julie Dachez, dans "la différence invisible" il est difficile à diagnostiquer, surtout en France, où les moyens en personnels compétents sur la question ne sont pas à la hauteur des besoins laissant souvent dans le désarroi familles et enfants. Ainsi, les Centres Ressources Autisme sont peu nombreux encore et les files d'attente pour les rendez-vous s'étendent sur plusieurs années. Heureusement, le milieu associatif est là pour assurer un relais plus qu'honorable mais c'est l'arbre qui cache la forêt et il devient urgent qu'une politique d'accompagnement digne de ce nom soit initiée par l'Etat.
Plus qu'une bande-dessinée, c'est un message porteur sur l'acceptation de la différence par soi et par les autres "dans une société malade la normalité"; "votre différence ne fait pas partie du problème mais de la solution" nous dit Julie Dachez.
A méditer.

Voici une petite vidéo pour vous éclairer.
La théorie des petites cuillères de Julie Dachez


A voir aussi un très joli film français sorti en 2015 : Le goût des merveilles de Eric Besnard



jeudi 5 décembre 2019

Les éblouis de Sarah Suco

Inspiré de l'enfance de la réalisatrice, Sarah Suco, Les Eblouis, dénonce le phénomène d'emprise d'une communauté religieuse dirigée par un berger (Jean-Pierre Darroussin), qui, sous couvert d'une bienveillance affichée, en arrive à retirer toute part de lucidité à ses membres, tout raisonnement sensé, à les déposséder psychiquement et matériellement, à introduire dans leur esprit des souvenirs fabriqués de toute pièce, avec l'objectif sous-jacent de les couper de tout lien avec l'extérieur.
Le processus de manipulation est démonté avec clarté mais quelques maladresses de mise en scène, affaiblissent la puissance que ce film aurait pu déployer autour d'un tel sujet, la rapidité avec laquelle, ce couple et ses enfants est embrigadée dans ce mouvement sectaire, certaines scènes de prières, tendant à forcer le trait, les acteurs, pour certains n'étant pas forcément crédibles...
Mais parallèlement le jeu des enfants est très poignant et d'une grande force, et surtout de l'aînée, Camille, interprétée par Céleste Brunquell est épatante de justesse, alliant tous les registres de l'incompréhension, à la soumission, jusqu'à la révolte.
A noter aussi la qualité des seconds rôles, les beaux-parents (Laurence Roy et Daniel Martin) et le petit ami de Camille, qui voient l'instrumentalisation de leurs proches s’opérer  et montrent la difficulté vu de l'extérieur d'enrayer l'engrenage.
Les Éblouis, le premier long métrage de Sarah Suco, actrice par ailleurs, a le mérite de traiter un sujet peu courant dans le cinéma en alertant sur les mécanismes à l’œuvre dans les dérives sectaires pour exploiter la fragilité de certains.

dimanche 1 décembre 2019

Sinon, j'oublie de Clémentine Mélois

L'idée ingénieuse de Clémentine Mélois, soit collectionner des listes de courses trouvés dans la rue, 99 au total, donne matière à la création de petites histoires, drôles, légères ou un brin caustiques.Cet acte, somme toute banal, est moins insignifiant qu'il n'y paraît. La forme de l'écriture, les ratures, les mots doux, le papier utilisé et donc une foule de détails révèlent ou du moins laissent imaginer une part de nos habitudes, et en poussant plus loin ce qui pourrait nous représenter intimement.
Déployant un imaginaire fertile sur les envies, les rêves, les comportements de ses personnages, l'auteure s'éloigne un peu trop, à mon sens, de ces listes, en inventant des histoires qui n'ont pas forcément de liens explicites. Elle n'évite pas aussi certaines généralités, comme si le leitmotiv invoqué était de parler au plus grand nombre.
Évidemment, son sens de la formule fait mouche et certains portraits sont savoureux: "Rudy" et sa logorrhée mentale," Sofian " et sa conduite d'urgence, "Sandy" et sa peur d'être mordue par un alligator, "Alicia" et les petites manies des stars, "Jean-Pierre" et les sigles abscons de l'administration etc.
Un style simple, voire familier, dans l'air du temps, permet au lecteur de se laisser porté sans trop d'efforts.
Au final, une curiosité à découvrir et une originalité à encourager.


Coquelicot et autres mots que j'aime d'Anne Sylvestre

Étonnement, Anne Sylvestre, reconnue depuis les années 60 pur son talent d’auteur-compositeur-interprète dans le milieu de la chanson française, n'avait jamais publié de livre avant 2014.
Ne la connaissant que très peu, je la découvre à travers dans ce nouveau registre, un recueil de ses mots préférés qu'elle nous livre sur un ton léger, badin, parfois mordant.
Avec une approche où tous les sens sont en éveil, elle explore la sonorité, la musicalité, l'étymologie, le sens et surtout le pouvoir d'évocation de ces mots, c'est-à-dire les souvenirs qui émergent, les émotions qui s'y rattachent et l'imaginaire qui se déploie.
Sous la plume de l'auteure, simple et aérienne, les mots deviennent des personnages qui ont une histoire à raconter.
Ainsi, la banalité d'une expression "Mais Bon" recèle plus de richesse qu'il n'y parait. "Le mais"  est une protestation, tandis que le "bon" se résigne et traduit une diversité de sentiments: optimisme, dépit, fatalisme etc.
Par petite touche, elle évoque certaines évolutions comme le passage à l'école d'une écriture à la plume d'encre, au stylo-plume puis au stylo-bille et au feutre. Les mots détournés à l'enfance "tomber d'énue" devenant "tomber d'émue" redonnent le sourire à l'auteure, des années plus tard.
"On s'ennuierait beaucoup si on ne pouvait s'amuser avec les mots, même à leur dépens. Je suis sûre qu'ils aiment ça." nous dit-elle.
C'est une lecture agréable, sans prétention, une promenade dans l'univers d'Anne Sylvestre, qui, mine de rien, permet de découvrir certains mots peu usités.
L'écoute de ses chansons les plus emblématiques, "Les gens qui doutent" ou "une sorcière comme les autres"en autres, me laisse penser que son écriture est plus élaborée et puissante que dans ce livre. C'est une impression qui demande peut-être à être développer en s'attardant davantage sur sa discographie.

Une nuit de Trinh Xuan Thuan

  Voici la critique d'un livre que j'ai lu en 2020 et que je publie maintenant car c'est un très bel ouvrage. La nuit recèle bie...