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mercredi 20 novembre 2019

J'ai perdu mon corps de Jérémie Clapin

Ce récit d'animation relate au premier plan, la rencontre entre deux adolescents, Naoufel qui se débrouille avec ses rêves d'enfant, malmenés par la perte de ses parents et Gabrielle, qui s'occupe de son oncle malade tout en travaillant dans une bibliothèque. En parallèle, on suit le parcours dans Paris d'une main à la recherche de son propriétaire.
J'avoue avoir été déroutée par le début de l'histoire de cette main, douée d'une vie propre, qui erre dans un environnement urbain, loin d'être hospitalier pour elle et des scènes flirtant avec un surréalisme assez flippant. Ensuite, la scène de l'interphone qui amorce la rencontre des deux protagonistes, complétement décalée permet d'entrer dans l'univers du réalisateur, alliant humour et poésie sur fonds de réflexions existentielles. La force des dialogues et les trouvailles scénaristiques entre autres, cette relation qui se noue autour d'un igloo ou la main qui apaise un nourrisson (il faut éviter d'en dévoiler plus) font de ce film d'animation adapté d'un livre "Happy Hand"de Guillaume Laurant, une œuvre originale et personnelle.
Avec à la clef , un message salvateur: les fantômes du passé sont conjurés par la naissance du sentiment amoureux, le passage à la maturité et le désir qui en découle, celui de prendre en main sa vie.
Petit bémol en ce qui me concerne: l'esthétique de l'image mêlant 2D et 3 D avec une gamme de couleurs très tranchée, et les choix de cadrage plutôt intéressants mais appuyés une musique un brin pompeuse desservent l'émotion d'ensemble. La composition musicale de Dan Lévy, membre de The Do, groupe très créatif par ailleurs, ne m'a pas parlé et parfois gêné.
Au final, le fond du sujet, particulièrement bien développé, l'emporte sur la forme qui, indéniablement, déploie des partis-pris singuliers mais me touche moins.

lundi 18 novembre 2019

Un monde plus grand de Fabienne Berthaud

Ce film à la réalisation quasi-documentaire qui prend une dimension plus romanesque à la toute fin, présente le parcours initiatique de Corine en Mongolie vers l'éveil et la maîtrise de ses pouvoirs de chamane.Marquée par la disparition de son compagnon, le point de départ de son voyage est de découvrir les rites de cette peuplade, de les enregistrer dans le but d'enrichir une composition musicale.
Le rythme lent, les dialogues légèrement convenus, le jeu un peu minimaliste de Cécile de France, pendant la première partie du film m'ont laissée sur le rebord de cette histoire, dont le sujet m'avait pourtant interpelé. Cependant, à partir de la scène de transe, saisissante de vérité, scène à partir de laquelle, Corine accède à un monde invisible, échappant à toute forme de rationalité, le film prend plus d'épaisseur et questionne le rapport que chaque culture entretient avec l'usage de facultés dépassant le cadre normatif. Dans les sociétés occidentales, la folie n'est loin et ainsi, le personnage devrait soigner à coup d'antidépresseur et de neuroleptique, une décompensation psychotique engendrée par le deuil. Les proches décontenancés tiennent un peu près le même discours.
Dans les cultures et pratiques mongoles, c'est au contraire un don magique, celui d'entrer en  lien avec les esprits de la nature ou des âmes, qui impose le respect et suppose qu'il soit exploré et développé au cours d'une cérémonie aux codes bien définis. Animée par l'intime conviction que d'autres formes de communication sont possibles notamment avec les esprits des disparus, Corine ira au bout de son cheminement, entre réel et irréel, pour trouver réconfort et apaisement.
Je retiens surtout les scènes de transe où Cécile de France impressionne, laissant son corps échapper à tout contrôle pour accéder à un monde nouveau et aussi le chaleureux accueil qui lui est réservé par des habitants.d'une grande humilité.
Pour le reste, le film n'apporte pas de précisions sur le mode de vie de ces peuplades,qui ne soient pas déjà connues mais a le grand mérite d'évoquer un thème peu courant dans le cinéma actuel, la question étant de se demander, comment se libérer des conventions et s'ouvrir à d'autres pratiques culturelles, tout autant essentielles.pour aborder un monde plus grand.

jeudi 14 novembre 2019

Tibet-Minéral Animal de Vincent Munier et Sylvain Tesson

Le talent indéniable du photographe animalier, Vincent Munier associé à la plume poétique de l'aventurier et écrivain, Sylvain Tesson font de ce livre somptueux, une œuvre indispensable  pour qui s’émerveille encore de la beauté que réserve la nature.
L'ouvrage couvre une période de 2011 à 2018 où Vincent Munier s'est aventuré sur les plateaux du Tibet pour y capter durablement des instants fugaces de vie animale s'exprimant dans un environnement hostile à l'homme. Une patience à l'épreuve du temps pour saisir ces clichés présentés avec une certaine progression dans les tons et les lumières, comme un jour qui se lève et se découvre pleinement.
Ainsi, dans des teintes froides tirant vers le bleu acier, apparaissent les silhouettes en ombre chinoise d'un yack, d'un loup gris, d'un aigle royal et d'autres encore. Puis un décor de brume et de lumière tamisée offre à ces espèces la liberté d'évoluer discrètement et sereinement dans un environnement qui leur est familier.
Le ciel se dégage dans l'immensité de la steppe tibétaine et surgit dans l'objectif de l'appareil, l'inespérée Panthère des neiges dressée sur les hauteurs des falaises.
Des plans resserrés aux cadrages très larges, la patte du photographe est unique et sa palette de couleurs incroyable de nuances et de douceur.
Puis, on distingue un paysage minéral, érodé par le temps mais dompté par ces espèces rares, à l'abri pour le moment du passage humain.
Plus on avance dans la lecture, plus les photographies donnent à explorer un univers éthéré et cotonneux  où l'animal devenu insaisissable s'intègre comme une esquisse dans le tableau vivant de la nature.
"Les bêtes sont les notes sur la partition. Que jouent-elles? Le chant du monde" nous dit Sylvain Tesson. Ses textes magnifiques présentant sa lecture du monde minéral et animal devraient résonner en chacun de ceux qui veulent accorder une place à tous les éléments du vivant sans s'arroger le droit d'en être propriétaire ni conduire à sa sa disparition.
Je ne chercherais pas à paraphraser plus, il suffit juste de s'attarder sur ces fragments de poésie qui donnent des mots et un ressenti à ce voyage tibétain.
Extrait:
"Une question de sémantique?
L'homme déboula sur la terre,
zigouilla les bêtes,
fissionna l'atome,
traficota le gêne,
modifia les organismes,
acidifia les sols,
plastifia les mers,
et barbouilla l'atmosphère.
Tout cela en si peu de temps.
Quel talent!
Et puis, il nomma "nuisibles"
Ceux qui ne participaient pas à l'entreprise."

mardi 12 novembre 2019

Il ne fait jamais noir en ville de Marie-Sabine Roger

Adepte de Marie-Sabine Roger, de son écriture sensible et de son sens du romanesque mettant en relief des personnages souvent atypiques, je viens de découvrir ce recueil de nouvelles à l'occasion d'un atelier d'écriture.
Que dire de ces textes magnifiques? Des mots simples pour présenter avec poésie des situations qui jalonnent le cours de l'existence. La tendresse infinie de l'auteure pour ses personnages y est palpable. Elle n'a pas son pareil pour évoquer sous toutes ses formes, l'amour, la séparation, la solidarité, les liens intergénérationnels ou sociaux en nous emportant dans une direction inattendue.
Par petites touches, on voit aussi se redessiner les contours de la cellule familiale, de la parentalité, du couple et des relations avec les autres dans une société qui change de visage.
Le format court de ce type d'ouvrage ne permet pas d'en dévoiler plus au risque d'en gâcher le plaisir du lecteur.
Je veux juste souligner l'émotion ressentie à la lecture de certaines nouvelles quand des êtres vulnérables ou marginaux se contentant de peu retrouvent l'émerveillement de l'enfance (Ce soir, c'est la fête) ou se voient pousser des ailes à la vue d'un spectacle de rollers (Libres oiseaux), quand l'amour inconditionnel d'un père pour sa fille s'exprime dans un moment suspendu où la séparation se profile (La parenthèse) ou bien quand un fils éloigné de sa mère vieillissante par sa vie professionnelle choisit de la rapprocher de lui (Il ne fait pas noir en ville).
Pour terminer, un petit extrait qui caractérise la musicalité de cette écriture en présentant le tempérament d'une petite fille:
"Elle passe du rire aux larmes, elle est toute d'intempéries, de coups de vents et d'accalmies"






Une nuit de Trinh Xuan Thuan

  Voici la critique d'un livre que j'ai lu en 2020 et que je publie maintenant car c'est un très bel ouvrage. La nuit recèle bie...